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Le procès des 62

Publie le mardi 9 mars 2004 par Open-Publishing

Dans un cadre de désobéissance civile et d’action non-violente, assumée
et joyeuse, des centaines de personnes ont répondu spontanément à un
appel qui plaidait pour une réappropriation d’espaces, pour un droit de
réponse citoyen, pour une lutte contre la privatisation des espaces
publics qu’est la publicité d’affichage et dans les transports, pour
l’obtention d’espaces non-marchands libres d’accès pour tous et par tous
(pour de l’art, de la poésie, de la philosophie, de l’expression libre,
de l’information associative et locale, etc...).

62 personnes arbitrairement choisies ont été assignées par la RATP et
Métrobus (la régie publicitaire du métro parisien, filiale de Publicis)
qui leur réclame 1 000 000 d’euros ( !) au civil. Cette somme correspond
au préjudice que Métrobus et la RATP prétendent avoir subi suite aux
actions, relayées par le site Stopub et quelques médias, qui ont eu lieu
depuis octobre 2003. Le procès aura lieu le 10 mars 2004, au Tribunal de
Grande Instance de Paris en première chambre.

Aujourd’hui, Métrobus et la RATP répriment cette expression démocratique
légitime en déployant un arsenal juridico-financier. Nous sommes donc
obligés de nous organiser pour récolter des fonds, ne serait-ce que pour
payer les avocats (soit environ 20 000 euros).

Aussi, nous lançons un appel, au nom du collectif des 62 et des
mouvements antipub, à tous les groupes et artistes qui auraient envie de
soutenir cette cause, à toutes personnes ou organisations prêtes à
prendre position publiquement, prêtes à organiser des débats, et à
toutes celles et tous ceux prêt-e-s à porter la problématique au sein
d’organisations politiques, syndicales, associatives, etc...

Tout soutien moral et toute convergence sont bienvenus et toute
initiative permettant une solidarité financière également !! Il est
possible d’envoyer des dons (même de 1 EUR !! ou chèque à partir de
3EUR) à l’association « Résistance à l’Agression Publicitaire », qui
prête son concours provisoirement le temps qu’un compte soit ouvert.
(R.A.P. 53 rue J.Moulin. 94300. Vincennes, mention « collectif des 62
 »). Nous avons collécté 10 000 euros sur 20 000 euros pour payer nos
frais d’avocats. Envoyez rapidement vos dons et/ou venez à nos soirées
de soutien

Historique

Une vague de désobéissance civile touche Paris depuis Octobre 2003 et
s’est étendue aux principales villes de France. Un appel public a été
relayé sur le site STOPUB et différents médias pour s’attaquer à la
publicité (stopub.ouvaton.org dans un premier temps puis www.stopub.tk).

Principe : recouvrir les affiches, faire une croix noire, s’exprimer...
La cible est la publicité et uniquement la publicité (le mobilier est
épargné et la propreté est de mise).

Carburant de la marchandisation du monde, syndrome de l’AGCS (accord sur
la libéralisation des services publics), privatisation de l’espace
public, envahissement et intrusion, méthodes malsaines, négation des
problèmes environnementaux, pulsions animales exploitées et générées,
culte de l’apparence et de l’égoïsme, etc... : les griefs sont
innombrables... L’« appel au recouvrement publicitaire » procède d’une
logique interprofessionnelle et de convergence des luttes.

Dans un cadre de non-violence et d’action joyeuse et assumée, des
personnes sont venues spontanément de tout horizon : précaires,
intermittents, étudiants, antipub, professions de la fonction publique,
notamment menacées par les privatisations à venir et les réductions
budgétaires drastiques, ou encore des citoyens concernés tout simplement.

17 octobre 2003 : 300 personnes se présentent aux 7 lieux de rendez vous
proposés à Paris, tandis que Marseille et Bruxelles mobilisent déjà
quelques dizaines de personnes. Les publicités 4x3 (4 mètres sur trois
mètres) du métro parisien sont « couvertes » sur la quasi-totalité des
lignes. L’opération est un succès pour les trois villes : s’ensuit une
marge médiatisation. Les publicitaires s’inquiètent et METROBUS, la
régie publicitaire de la RATP porte plainte contre X, ce juste avant la
seconde action annoncée publiquement comme la première. Elle assigne
notamment l’hébergeur OUVATON, et le somme par voie d’intimidation et en
dehors de toute procédure de livrer le nom des responsables du site
STOPUB, devançant la Loi sur l’Economie Numérique encore en préparation.
RESISTANCE A L’AGRESSION PUBLICITAIRE, association légaliste, qui avait
témoigné de l’initiative de l’action de « STOPUB » (comme de nombreux
médias ont pu le faire), est également interpellée par huissier, mais
sera rapidement mise hors de cause de par son positionnement L’hébergeur
coopératif Ouvaton est enjoint lors d’une audience en référé de
communiquer les informations disponibles, lui permettant ainsi de rester
dans la légalité alors que Métrobus essayait de l’en faire sortir.
Métrobus espérait ainsi décapiter le mouvement. Il n’en sera rien.

7 Novembre 2003 : nouvelle action sur 7 rendez vous : 600 personnes
investissent le métro parisien. Plusieurs villes de France continuent
d’emboîter le pas : Nantes, Grenoble, Marseille pour les plus
remarquées, mais une dizaine de ville a rejoint l’action spontanément.
Toujours dans un cadre d’horizontalité, tant d’un point de vue de
l’organisation que du relais médiatique, la désobéissance civile suit
son chemin. Les médias sont intrigués car il n’y a pas de chef, pas de
porte-parole, pas d’organisation ni d’association, encore moins de
centralisation ou de structure pyramidale. Cela n’a rien à voir avec des
commandos non plus, ceux-ci agissant au grand jour et sans violence. En
fait chaque participant, responsable de ses actes, peut s’exprimer en
son nom propre. L’opinion publique est plutôt sympatisante, étant
saturée de l’envahissement et des procédés de la publicité. Celle-ci
commence à être identifiée comme une problématique, et les médias,
partagés sur les méthodes utilisées, commencent néanmoins à présenter la
publicité comme préoccupation : un débat de société commence à naître.

28 Novembre 2003 : 3e action. La préfécture de police mobilise les
forces de l’ordre pour protéger les intérêts de Métrobus. Des dizaines
de cars de C.R.S et les forces de l’ordre sont massivement présents sur
les 7 lieux de rendez vous parisiens. Près de 1000 personnes
viendront... Les premier-e-s arrivé-e-s se font encerclé-e-s. 276
interpellations exactement ont lieu alors que l’action n’est pas
commencée. Tous les commissariats de Paris sont saturés, certains
tournent en fourgonnette pendant plusieurs heures. Il n’y a pas de suite
(contrôle d’identité, voire déposition) : tout le monde sera relâché
sans garde à vue. En France, plus d’un quinzaine de villes ont agi : les
plus actives sont Nantes, Saint Nazaire, Rennes, Rouen, Amiens, Lille,
Lyon, Grenoble, Marseille, Pau, Montpellier, Toulouse, Nice...

19 Décembre 2003 : le rapport de force continue avec Métrobus. Malgré la
pression, Paris réussira à faire l’action en mobilisant 500 personnes
pour couvrir de textes et d’art les affiches de 4 mètres sur 3. A ce
stade là, différents groupes autonomes se sont déjà constitués et
agissent en toute indépendance. Les citoyens prennent spontanément des
droits de réponse sur ces espaces commerciaux imposés à tous. Un
mouvement antipub est né...

2e quinzaine de janvier 2004 : Métrobus attaque soixante personnes au « 
civil » en faisant valoir un préjudice de 980 000 euros et souhaite une
condamnation « in solidum ». Elles sont assignées à la Première Chambre
de Tribunal de Grande Instance de Paris. Utilisant la procédure « rapide
 », le procès aura lieu le 10 mars 2004. Les 60 participants présumés
sont censés avoir dégradé des affiches, tandis que la personne, dont les
coordonnées ont été transmises par l’hébergeur Ouvaton, aurait mis en
ligne le texte d’appel et mis en route le premier site.

Toujours à la recherche de boucs émissaires, espérant débusquer une
organisation, Métrobus use de son puissant arsenal juridique et
financier. La régie publicitaire s’attaque à des citoyens isolés qui ont
décidé d’agir puisque les recours légaux et d’usage restent
invariablement sans suite. Au lieu de remettre en cause son artillerie
publicitaire, la régie s’entête, ne mettant en avant que ses éventuels
dommages économiques, qui restent à démontrer. Il est vrai que le marché
de la publicité était déjà effondré en 2003, et que les usagers du métro
tentent autant qu’ils peuvent de faire abstraction du matraquage
publicitaire. Aujourd’hui, des centaines de personnes se sont investies,
faisant le choix de se mettre délibérément en porte-à-faux avec la
légalité. En essayant de casser mécaniquement ce mouvement spontané et
non-violent, la RATP refuse de se recentrer sur son rôle de service
public et Métrobus refuse de voir les véritables enjeux démocratiques
que bafoue le système publicitaire.

Plus d’infos sur http://lecollectifdes62.free.fr/ (signature en ligne ou
téléchargement de la pétition notamment).