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Les classes moyennes : un camouflage idéologique (extrait)

par Jean-Louis

Publie le dimanche 15 janvier 2012 par Jean-Louis - Open-Publishing
10 commentaires

(...) "Aujourd’hui que la droite parle surtout des classes moyennes et jamais de la classe ouvrière n’est pas pour surprendre. Car les idéologies qu’elles développent ont toutes en commun de nier la spécificité de la classe ouvrière en tentant de la fondre dans la masse anonyme des "classes moyennes". D’où l’idée qui revient régulièrement de faire de chaque prolétaire un petit-bourgeois en lui facilitant, par exemple, l’accès à l’achat d’un appartement ou en tentant de développer "l’actionnariat populaire" (qui fut longtemps l’idée fixe des "gaullistes de gauche").

La droite feint de croire que la classe ouvrière a quasiment disparu et elle espère qu’en l’effaçant de son vocabulaire elle fera disparaître aussitôt le danger potentiel que cette classe représente pour les intérêts du Capital. Depuis quelques années la gauche n’est pas en reste. Longtemps le Parti socialiste et le Parti communiste se sont ouvertement réclamés de la classe ouvrière. Aujourd’hui le PS parle des classes moyennes (parfois, mais moins souvent, des classes populaires).

Quant au P.C.F. (ou son avatar, le Front de Gauche) il est fondamentalement sur la même longueur d’onde bien qu’il conserve un vocabulaire un peu plus radical. S’il y a longtemps que le PS et le P.C.F. ont abandonné, dans les faits, la défense des intérêts historiques et moraux de la classe ouvrière, la quasi-disparition de cette dernière dans le vocabulaire de la gauche est plus récente. Elle a commencé dans les années 1980 avec l’émergence de ce qu’on appelait alors "la nouvelle gauche" qui se voulait "moderne" face à la gauche traditionnelle qui se réclamait encore du mouvement ouvrier et qui était alors qualifiée "d’archaïque".

C’est à cette époque qu’André Gorz, co-fondateur du "Nouvel Observateur", venu de la revue de Jean-Paul Sartre "Les Temps Modernes", dit "Adieux au prolétariat"(5) . Il est suivi dans sa démarche par des gens comme Michel Rocard, Jacques Delors ou, dans le mouvement syndical, par Edmond Maire, le leader incontesté de la CFDT. Désormais la gauche "moderne" explique que la classe ouvrière n’existe plus, que par ses aspirations elle fait désormais partie de la classe moyenne et qu’il est temps d’abandonner les "vieilles lunes du marxisme".

Peu à peu ce courant d’idées va submerger le PS et aujourd’hui il domine largement l’ensemble de la gauche. Dans les faits il s’agit ni plus ni moins d’une capitulation complète devant l’idéologie de la bourgeoisie pour laquelle la lutte de classes s’est arrêtée le jour où elle a pris le pouvoir. Désormais, pour la gauche, l’objectif affiché n’est plus de changer la société et d’éliminer le capitalisme mais de placer ses énarques au gouvernement à la place des énarques de droite. Quant à la classe ouvrière - et plus largement à l’ensemble des masses populaires - on lui demande simplement de mettre un bulletin dans l’urne puis de se taire.

Maintenir le drapeau

Pour notre part nous n’avons aucune raison de participer, de près ou de loin, à une telle capitulation dans le domaine des idées. C’est vrai que la classe ouvrière a changé, c’est vrai aussi que près d’un siècle de contrôle du mouvement ouvrier par des socialistes et des staliniens qui ont complètement perverti les idéaux socialistes et communistes, que la chute de l’URSS, que la montée du chômage et de la précarité ont fait reculer les idées révolutionnaires et plus largement la conscience que peut avoir la classe ouvrière de ses propres intérêts, de ses propres valeurs, de sa propre morale.

Avec le renforcement de l’individualisme beaucoup de gens - qui appartiennent à la classe ouvrière - peuvent avoir l’impression qu’il est plus facile de s’en tirer individuellement que toutes et tous ensemble. Mais la crise est là pour leur rappeler chaque jour que posséder sa voiture, son appartement, son réfrigérateur, sa chaîne hi-fi, voire pour les plus chanceux sa résidence secondaire, ne fait pas de vous un bourgeois et qu’un simple licenciement peut réduire tout ça à néant. C’est pourquoi nous devons, plus que jamais, nous réclamer ouvertement et sans restriction, de la classe ouvrière, du socialisme, du communisme en montrant que seul le renversement de la société capitaliste permettra un monde meilleur. " (...)


À un moment où une partir de la petite bourgeoisie éclairée (par le biais des clubs de loisirs politiques) prétend "prendre en main" les affaires du prolétariat en tentant d’anvahir le terrain de foot du Capital, je trouve cette contribution (imparfaite) très intéressante.

Je ne cite pas l’auteur car c’est un quasi anonyme et que je suis contre les droits d’auteur (qui sont souvent des "droits de hauteur"). Contrairement à certains intellos amoureux des paradoxes, je crois qu’il existe des "vérités" non dogmatiques. Ainsi, "je suis communiste" est peut-être une vérité mais qui n’est pas vérifiable dans la seconde, tandis que "j’ai le bras cassé" peut être une vérité mais cette fois vérifiable (ou réalisable !) dans la seconde.

LL et d’autres ont raison de répéter certaines "vérités" monotones que chacun d’entre nous peut se surprendre à "oublier" par intermittences, tant la pression conjuguée de la bourgeoisie et de ses auxiliaires est forte.

Messages

  • répéter certaines "vérités" monotones que chacun d’entre nous peut se surprendre à "oublier" par intermittences, tant la pression conjuguée de la bourgeoisie et de ses auxiliaires est forte.

    Juste !

  • déplacement de l’article à sa place, sinon on ne comprend rien...


    Dedalus - 16/01 - 16h40
    Contribution à l’article de Jean Louis

    Les classes moyennes : un camouflage idéologique (extrait) de : Jean-Louis

    Je ne vois pas très bien l’intérêt aujourd’hui d’un débat quelques peu académique sur la petite bourgeoisie (indépendamment de l’intérêt du contenu de l’article de Jean-Louis, et de ce salutaire rappel de mémoire), en revanche s’interroger sur cet obscurcissement (un camouflage idéologique) du débat politique semble nécessaire

    Plus intéressant il me semble est le combat idéologique, d’où vient et comment c’est constitué cette pseudo théorie qui consiste à dire, "la classe ouvrière n’existe plus", je ne reprends pas ce qui est dit au début de l’article.

    Je pense pour ma part que si la classe ouvrière est pratiquement exclue du "champ politique" elle le doit à elle-même, son effacement y compris dans le vocabulaire la quasi-disparition de cette dernière dans le vocabulaire de la gauche est plus récente, est l’expression de son abandon de la lutte de classe, matérialiste et idéaliste peuvent s’opposer la dessus,

    Une classe qui ne se conçoit pas (ou plus) comme classe (c’est à dire animé de la conscience de classe qui la structure) n’est qu’une collection d’individus groupés au hasard d’intérêts extérieurs.

    Je souscris aux divers éléments analytiques de l’article de Jean Louis pour en arriver à cette question.

    La question qui est posé est celle ci : (pas la question que tous le monde se pose) faut il détruire le capitalisme ? (son système pas la société capitalisme), progressivement ou pas, c’est une autre question.

    Qui peut le faire ? Qui est à même de le faire ?

    Pour engager ce qu’il faut bien appeler une révolution il faut que les conditions objectives et subjectives soient réunies.

    Concernent les premières elles son largement réunies voir "pourrissantes", en revanche les secondes sont loin d’être au rendez-vous loin s’en faut.

    Dedalus