Les soins de santé ou le refus du modèle libéral

Christine Dupré

En Hongrie et en République tchèque, les réformes sont décriées.
A partir du 1er mai prochain, la Hongrie sera dirigée par un gouvernement minoritaire de Ferenc Gyurcsany, un gouvernement constitué du seul parti socialiste (MSZP), héritier de l’ancien parti communiste. La cause ? Un référendum organisé début avril a vu 66 pc de la population rejeter un nouveau "serrage de ceinture" destiné à réduire l’imposant déficit budgétaire de 9,2 pc du PIB.

Les Hongrois ont surtout dit non à la réforme du secteur de la santé qui, outre des coupes claires dans les effectifs des hôpitaux, aurait obligé chaque patient à payer une franchise de 1,2€ à chaque consultation chez le médecin.

Dans ce pays où affluent les investissements étrangers et où se développent les soins privés pour les étrangers et les Hongrois privilégiés, le "non" au référendum a servi d’exutoire aux frustrations. "Nous sommes un pays où les retraités atteints de maladies chroniques, qui doivent donc consulter régulièrement, vivent souvent avec moins de 250 € par mois, résume Ilona, médecin généraliste. Les gens savent qu’il faut lutter contre les déficits, mais il faudrait le faire dans la justice sociale et la confiance en la probité des dirigeants. Rien de tout cela n’existe aujourd’hui en Hongrie."

Après l’échec du référendum, Ferenc Gyurcsany a limogé la ministre de la Santé, Agneta Horvath, issue de l’Alliance des démocrates libres (SZDSZ) qui avait fait de la libéralisation du secteur de la santé la condition du maintien de sa présence au gouvernement. Exit donc le SZDSZ, petite formation constituée d’anciens opposants au régime communiste, exit aussi les projets de baisses d’impôts que chérissait le gouvernement.

La survie de celui-ci ne semble pas menacée à court terme. Chacun s’accorde à Budapest pour estimer que le SZDSZ, au plus bas dans les sondages (1 pc), continuera à soutenir le MSZP de l’extérieur plutôt que de disparaître lors d’élections anticipées. Les prochaines législatives doivent avoir lieu en 2010. Mais une pause dans les réformes est à l’ordre du jour.

La droite chute à Prague

En République tchèque aussi, les reformes du secteur de la santé secouent la coalition de centre-droit au pouvoir, après que le paiement direct de 3,5€ au médecin a été instauré par le ministre de la Santé Tomas Julinek. Il dit vouloir à la fois "responsabiliser les patients" et apporter de l’argent frais à un secteur qui en a bien besoin.

Ici aussi, la révolte des retraités et des malades chroniques récolte le soutien d’une majorité de la population. Principale formation du gouvernement, la droite conservatrice (ODS) du Premier Ministre Mirek Topolanek a 10 points de retard dans les sondages sur l’opposition sociale-démocrate. Les sociaux-democrates et les communistes ont introduit des recours devant la Cour constitutionnelle, la loi fondamentale tchèque prévoyant le libre accès de tous aux soins. Les chrétiens-sociaux, petits partenaires de la coalition au pouvoir, réclament l’exonération des franchises pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées. Autre composante du gouvernement, les verts affirment qu’ils refuseront de voter pour la privatisation d’une partie des caisses d’assurance-maladie, et celle des hôpitaux universitaires, souhaitées par l’ODS.

Voici deux ans, c’est en Slovaquie que les personnels de santé s’étaient mis en grève pour obtenir des revalorisations salariales. La crispation autour de la santé prend des allures de symptôme du refus d’un modèle libéral par les peuples d’Europe centrale.

La Libre.be