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Levée de boucliers contre la création d’un délit d’interruption involontaire de grossesse

Publie le samedi 29 novembre 2003 par Open-Publishing
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Haro sur l’"IIG". L’ajout d’un amendement de dernière minute créant un délit d’Interruption Involontaire de Grossesse dans le projet de loi Perben sur la grande criminalité a réveillé les craintes de la gauche et des associations de défense des droits des femmes sur le risque d’une remise en cause du droit à l’avortement.
Jeudi, les députés UMP ont adopté un "cavalier" -amendement sans rapport avec le texte, dans le jargon parlementaire- créant un délit punissant d’un an de prison et 15.000 euros d’amende toute interruption de grossesse provoquée par "maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence". La peine serait doublée en cas de "violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement".

Auteur de l’amendement, le député UMP Jean-Paul Garraud avait déjà tenté de faire adopter un dispositif similaire dans la loi sur la sécurité routière en mars. Il avait proposé de punir de deux ans de prison tout conducteur qui provoquerait une interruption de grossesse des suites d’une imprudence. Le Sénat avait retoqué cette proposition.
Accusé de vouloir remettre en cause le droit à l’avortement, le député UMP s’est défendu en expliquant qu’il souhaitait simplement "combler un vide juridique" pour protéger davantage les femmes enceintes. Actuellement, en cas d’accident ou d’erreur médicale, le fait de faire perdre son enfant à une femme enceinte n’est pas une infraction, car l’embryon n’est pas considéré comme une personne. "Je ne suis téléguidé par personne", a-t-il clamé.

Un argument repris en choeur vendredi par la majorité UMP, qui se défend de s’attaquer à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) par une voie détournée. Le ministre de la Justice Dominique Perben, ainsi, ne "tolérera pas qu’on l’accuse de remettre en cause le droit des femmes à l’IVG".
Il s’est indigné dans un communiqué des "commentaires excessifs et partisans suscités par l’amendement parlementaire de M. Garraud" et souligne que le "seul but de cette nouvelle disposition est d’offrir une protection pénale à la femme enceinte qui, contre sa volonté, perd l’enfant qu’elle porte". L’amendement "ne remet absolument pas en cause le droit des femmes à recourir à l’IVG", se défend le ministre.

Pour attester de sa bonne foi, la majorité a donc fait adopter un sous-amendement stipulant que la création du délit d’IIG "ne saurait en aucun cas faire obstacle au droit de la femme enceinte de recourir à une interruption volontaire de grossesse".
Rapporteur UMP du projet Perben, Jean-Luc Warsmann a rappelé que la loi sur l’IVG a été votée en 1975 alors que Jacques Chirac était Premier ministre. Secrétaire général du parti chiraquien, Philippe Douste-Blazy est monté au créneau vendredi, affirmant que la "majorité ne veut pas remettre en cause l’IVG", mais "protéger la femme enceinte". "Faire ce procès-là est indigne", s’est-il insurgé. Chef de file des députés UMP, Jacques Barrot a regretté "une querelle qui n’a pas de sens".

Des garanties qui n’ont pas convaincu la gauche et les associations de défense des femmes, qui estiment que cet amendement donne au foetus un statut juridique, en faisant de fait une personne. "Je vous accuse de vouloir ouvrir la porte à la remise en question du droit à l’avortement", a dénoncé le député PS Jean-Yves Le Bouillonnec dans l’hémicycle. "Cette majorité veut faire plaisir aux franges intégristes de la population", a fustigé le député PS Jean-Marie Le Guen, l’accusant de s’inspirer des méthodes des "groupes pro-life".

Le Premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande a demandé au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, "tout de suite", de "dire que cet amendement, venu subrepticement, ne (peut) pas être retenu par le gouvernement lors de la seconde lecture". Il "faut que le Premier ministre lui-même soit clair, rapide et net, et qu’il dise tout de suite qu’il ne peut pas accepter cet amendement", a insisté M. Hollande.

Pour la secrétaire nationale du Parti communiste Marie-George Buffet, l’IIG est "peut-être" un moyen pour "remettre en cause et criminaliser" l’interruption volontaire de grossesse. Mme Buffet a appelé à une manifestation de l’ensemble de la gauche pour protester contre l’amendement.
L’avocate du droit des femmes Gisèle Halimi a de son côté dénoncé une "mesure extrêmement grave contre les femmes" et une "très grave erreur de la majorité".
"Hypocritement, subrepticement, on est en train d’introduire dans notre droit un concept nouveau qui est de donner au foetus un statut, une personnalité juridique". Et de rappeler que la Cour de cassation a tranché cette question en 2001 en décidant que "la femme et le foetus ne faisaient qu’un et que le foetus n’avait pas de vie en dehors de celle de la femme".

Le mouvement français pour le Planning familial a pour sa part noté qu’"une large droite réactionnaire cherche par tous les moyens à faire reconnaître l’embryon comme ’personne’, ce qui lui conférera des droits juridiques venant s’opposer à l’IVG et aux droits des femmes".
Avant d’être définitivement adopté, cet amendement devra encore être examiné avec l’ensemble du projet Perben au Sénat en janvier.
PARIS (AP)

Femmes Solidaires : http://www.annuaire-au-feminin.tm.fr/assoFEMMESsolidaires.html

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