Accueil > Libération de Joëlle Aubron : les juges toujours indécis

Libération de Joëlle Aubron : les juges toujours indécis

Publie le mercredi 12 mai 2004 par Open-Publishing

Décision le 28 mai, malgré l’état de santé alarmiste de l’ex-militante d’AD.

Par Jacqueline COIGNARD

Ni oui ni non. La juridiction régionale de libération conditionnelle de
Douai a préféré demander un complément d’analyses médicales plutôt que
d’accorder une suspension de peine à Joëlle Aubron, ancienne d’Action
directe, opérée de métastases cancéreuses au cerveau en mars. Comme si,
malgré deux expertises médicales très alarmistes sur l’état de santé de
cette femme de 45 ans, incarcérée depuis dix-huit ans, les juges ne
parvenaient pas à se décider. Ces derniers s’accordent un nouveau délai,
jusqu’au 28 mai.

Dans sa décision rendue hier, la présidente Edwidge Wittrant reprend l’avis
du Dr François Dymny. Cet expert « conclut à l’existence d’une tumeur
cérébrale, sans que la tumeur primitive n’ait été en l’état retrouvée, et à
un pronostic vital défavorable », écrit-elle. Quant au Dr Nadine Marquet,
elle « conclut à un pronostic vital engagé à court terme ». On pourrait alors
croire que la loi Kouchner puisse s’appliquer.

L’article 720-1-1 stipule en
effet que « la suspension peut également être ordonnée [...] pour les
condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant
le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible
avec le maintien en détention ».

Cependant, les juges de Douai spéculent sur
une éventuelle découverte de la tumeur primitive qui pourrait « modifier leur
appréciation [celle des experts, ndlr] ». Les magistrats s’interrogent aussi
sur « le protocole de soins » appliqué depuis le 7 mai, une fois les séances
de radiothérapie terminées. Et ils se plaignent de ne disposer « d’aucune
information quant aux conditions d’hébergement » de Joëlle Aubron, si elle
était libérée.

« Tout cela n’est que faux prétextes, s’irrite Alain Pojolat, responsable
d’un collectif de soutien aux prisonniers d’AD. Il s’agit d’habiller un
manque de décision. On a le courage qu’on peut. » Me Bernard Ripert, l’avocat
de Joëlle Aubron, renchérit : « La juridiction n’a pas eu le courage d’aller
au bout de ses constatations.

Deux experts constatent, malheureusement, que
Joëlle Aubron risque de n’avoir plus beaucoup de temps à vivre. » Cette
dernière en a d’ailleurs reçu la notification, par fax, hier, dans sa
cellule, à la prison de Bapaume.

Me Ripert trouve « ces tergiversations inadmissibles » et affirme que « toute
décision contraire à la libération serait criminelle ». Parce que ce serait
condamner sa cliente « à mourir en prison et lui ôter toute chance de se
soigner normalement ». Quant aux éventuels soucis d’hébergement, l’avocat les
balaie : « Ses parents peuvent l’héberger dans leur pavillon de l’Yonne ou,
si elle a besoin d’un traitement lourd, dans un appartement qu’ils possèdent
à Paris. Tout cela a été dit à l’audience. »

La sénatrice communiste Nicole Borvo lit aussi dans les expertises des
médecins que « la mort est en marche » et interroge : « Comment peut-on, après
dix-huit ans de prison, refuser une suspension de peine ? » Selon Henri
Malberg, membre de la commission justice du PCF, une décision négative, le
28 mai, ne pourrait être interprétée que comme « une envie de vengeance ».

(Liberation)