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Martin Hirsch : pourquoi je reste « ma situation n’est pas ambiguë, mais originale »

Publie le vendredi 19 octobre 2007 par Open-Publishing
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Le haut-commissaire fait le bilan de cinq mois au gouvernement. Si l’ouverture ne le concerne pas, il affiche, en dépit de désaccords ponctuels, une solidarité qui se veut... active

de Martine Gilson, François Bazin

Le Nouvel Observateur. - Vous sentez-vous partie prenante du projet politique de l’ouverture initié par Nicolas Sarkozy ?

Martin Hirsch. - Si cela signifie une ouverture à une méthode pour réduire la pauvreté et aborder les questions sociales : oui. Si vous entendez par cela un projet de recomposition entre partis : non.

N. O. - Pourquoi ? N’êtes-vous pas un homme de gauche venu siéger- même si c’est avec le titre de haut-commissaire - dans un gouvernement de droite ?

M. Hirsch. - Je n’avais pas d’engagement partisan auparavant. Je n’en ai pas aujourd’hui. J’ai accepté la mission que m’a confiée le président, au lendemain de son élection, sur des bases claires : mettre en oeuvre la proposition élaborée dans une commission il y a plus de deux ans et portée pendant la campagne électorale - le revenu de solidarité active. J’avais d’ailleurs commencé, avec des conseils généraux de gauche comme de droite, à esquisser des programmes expérimentaux. Il s’agit de réformer les minima sociaux et de réduire la pauvreté au travail. Les deux candidats du second tour ont repris à leur compte cette proposition et le nouveau président m’a proposé de poursuivre ma tâche. Je le fais, sans changer ni d’objectif ni de méthode de travail.

N. O. - Vous ne pouviez pas poursuivre votre tâche en dehors du gouvernement, et donc avec une indépendance plus forte ?

M. Hirsch. - C’est effectivement ce que j’ai d’abord proposé. Mais j’ai accepté de mettre en oeuvre une politique publique, à laquelle je crois, dans une fonction qui me permet de mobiliser les administrations. Si je n’étais pas entré au gouvernement, il n’y aurait pas eu une loi au mois de juillet, des décrets dans la foulée, un cofinancement de l’Etat des programmes expérimentaux, une implication des préfets et des caisses d’allocations familiales... et bientôt une augmentation de revenu d’allocataires de minima sociaux qui reprennent du travail.

N. O. - En devenant « haut-commissaire » et non pas « ministre » ou « secrétaire d’Etat », n’avez-vous pas souligné vous-même l’ambiguïté de votre situation ?

M. Hirsch. - J’ai proposé ce titre en me souvenant sans doute de mon grand-père qui fut commissaire au Plan, du temps du général de Gaulle, en restant un esprit indépendant. Nicolas Sarkozy voulait que je puisse défendre mes projets en conseil des ministres et présenter les textes qui me concernent devant le Parlement. Ma situation n’est pas ambiguë, elle est originale. Je pense qu’elle est efficace et qu’elle me permet de me consacrer pleinement aux réformes dont j’ai la charge, sans dévier du but.

N. O. - Donc aucun regret ?

M. Hirsch. - Je me suis décidé en connaissance de cause. Je ne regrette pas d’avoir entendu le président de la République dire oui à un « Grenelle de l’insertion » il y a une semaine à Dijon, après avoir été convaincu qu’il ne fallait pas renvoyer des personnes de 58 ans aux Assedic après un contrat aidé de vingt-quatre mois. Je ne regrette pas d’avoir entendu le Premier ministre, après un dialogue avec des allocataires du RMI, dire : « Ce n’est pas les personnes qu’il faut stigmatiser, c’est le système qui est absurde. » Je ne regrette pas de voir plus de la moitié des départements français se porter candidats aux expérimentations.

N. O. - En général, quand on est membre d’un gouvernement, on est quand même tenu à une forme de solidarité politique qui est globale !

M. Hirsch. - Un haut-commissaire pratique une forme de solidarité... active.

N. O. - Cela signifie-t-il que l’action du gouvernement en dehors de votre sphère d’activité ne vous concerne pas ?

M. Hirsch. - Bien sûr que si ! Mais il y a pour moi une hiérarchie. D’abord, l’essentiel : la mise en place du RSA sur un mode expérimental, selon des méthodes inchangées de dialogue et de concertation avec les acteurs sociaux. Il y a ensuite l’environnement immédiat : à quoi servirait de créer un RSA pour les travailleurs pauvres si, par ailleurs, on ne s’occupait de son articulation avec la couverture maladie universelle et les aides au logement ? Enfin, il y a le contexte général de l’action gouvernementale qui fait que je ne peux me désintéresser de tout ce qui, de près ou de loin, touche à l’exclusion et à la situation des membres les plus fragiles de notre société.

N. O. - Avez-vous songé à démissionner depuis que vous êtes haut- commissaire, membre d’un gouvernement de droite ?

M. Hirsch. - Je n’ai pas vraiment eu le temps de songer.

N. O. - L’instauration de franchises médicales, vous approuvez ?

M. Hirsch. - J’ai plaidé avec succès pour que les plus pauvres ne soient pas concernés par cette mesure qui exonère les personnes bénéficiant de la CMU.

N. O. - Le bouclier sanitaire que vous proposiez a été repoussé aux calendes grecques. Déçu ?

M. Hirsch. - Il n’a pas été repoussé par une décision politique. Un rapport a été demandé dans des délais ultrarapides : il conclut à la fois que c’est une bonne réponse aux problèmes posés et que, techniquement, son élaboration nécessite deux ans. Le bouclier sanitaire est donc toujours d’actualité, et je ne suis pas seul à penser qu’il est justifié.

N. O. - L’exclusion des sans-papiers des centres d’hébergement d’urgence, une erreur ?

M. Hirsch. - Cela aurait été une erreur, bien sûr. Mais la position du gouvernement a été rapidement claire, et nous avons pu tenir des propos sans ambiguïté pour répondre aux préoccupations des associations. Je dois souligner que Brice Hortefeux a été d’emblée très ouvert à ce qu’on puisse revenir à l’état du droit initial. Je pense même que le débat sur ce point a permis de reconnaître, par le gouvernement comme par l’opinion publique, l’importance et la difficulté de leur mission d’accueil inconditionnel et de garantir qu’il serait protégé.

N. O. - Reste l’ADN. Contre cela vous n’avez rien pu faire ?

M. Hirsch. - J’ai dit ce que j’en pensais, après le vote de l’amendement Mariani à l’Assemblée nationale, et suggéré que le Sénat ne le laisserait pas en l’état.

N. O. - Si vous aviez été simple citoyen et non pas haut-commissaire, auriez-vous signé la pétition de « Charlie Hebdo » ?

M. Hirsch. - Avant d’être haut-commissaire, j’étais président d’Emmaüs France. A ce titre, je me serais retourné vers son conseil d’administration pour lui demander son avis. Je pense qu’il m’aurait en effet demandé d’engager Emmaüs avec d’autres pétitionnaires.

N. O. - En vous écoutant, on a le sentiment que vous êtes au gouvernement pour longtemps !

M. Hirsch. - C’est parce que vous avez le sentiment que je mets de la passion dans ce que j’essaie de faire en matière de lutte contre la pauvreté.

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