Accueil > Mort, le communisme ?
tribune libre
Mort, le communisme ?
Le Parti communiste est-il en train de mourir et, avec lui, l’idéal d’une société substantiellement meilleure que le capitalisme, partageant les richesses et les potentialités d’épanouissement individuel entre tous, dont il a été longtemps le porte-drapeau intransigeant non seulement en France mais en Europe ? Et faut-il revoir de fond en comble notre « compréhension du monde », que nous tirons pour l’essentiel de Marx, au risque d’oublier l’injustice constitutive de notre société et de ne plus savoir non seulement comment y mettre fin mais si nous devons le faire ? Je ne le pense pas.
Il faut d’abord être prudent dans le diagnostic de mort. Divers éléments conjoncturels expliquent le score catastrophique de l’élection présidentielle : le vote utile pour éviter la répétition de 2002, la division irresponsable du camp antilibéral, l’instrumentalisation de l’extrême gauche pour affaiblir le PCF, l’hostilité des médias. Pourtant, même si cette situation peut être légèrement redressée aux législatives, elle s’inscrit dans une tendance lourde d’affaiblissement de l’influence communiste depuis plus de vingt ans, dont on trouve l’équivalent dans d’autres pays européens. Comment l’expliquer ?
La cause principale se trouve selon moi dans ce qui s’est fait au nom du « communisme » au XXe siècle. La révolution bolchevique a été à l’origine d’un système sociopolitique qui a largement défiguré ce que l’on pouvait entendre par ce terme à partir de Marx : opérée dans les conditions d’un capitalisme faiblement développé (ce que l’auteur du Manifeste a toujours déconseillé), elle a très vite dû recourir à la contrainte d’État pour réaliser son objectif et a supprimé un certain nombre de libertés sans lesquelles il est ridicule de parler de communisme. Au surplus, cette expérience a échoué en étant incapable de prouver sa supériorité sur le capitalisme en matière de productivité économique, voire en montrant l’inverse, et les régimes qui continuent de se dire communistes se convertissent à l’économie libérale, parfois la plus sauvage comme en Chine. La conséquence est claire : c’est l’idée même du communisme qui est atteinte dans la conscience collective et qui est déclarée soit totalitaire (quand on l’assimile à ses tares historiques), soit utopique (quand on signale son échec effectif). On demande donc à ses partisans d’y renoncer comme de renoncer à son fondement théorique, le marxisme : le communisme ferait partie de ces « grands récits » que l’histoire a définitivement invalidés. La conversion au capitalisme considéré comme l’horizon indépassable de l’histoire et la réduction de l’ambition politique, quand on se dit de gauche, à sa simple régulation deviendraient alors la seule solution intelligente et réaliste.
Il ne faut pas céder à cette tentation comme le font, en particulier, une grande partie des ex-communistes italiens : cela reviendrait à admettre que le stalinisme a été une illustration du communisme. Or celui-ci n’a jamais été réalisé nulle part : aucune révolution anticapitaliste ne s’est produite dans les conditions du capitalisme développé préconisées par Marx et selon les procédures démocratiques auxquelles il tenait par principe. Le test historique de son impossibilité, qu’il faudrait accepter s’il avait eu lieu, n’a donc jamais été effectué. On peut même penser que les diverses avancées d’inspiration socialiste que l’Europe a connues après la Seconde Guerre mondiale nous prouvent que la voie d’un socialisme démocratique est praticable, mais, tout autant, qu’il ne faut pas s’arrêter en chemin. Quant à la démonstration de l’impossibilité anthropologique du communisme, liée à l’hypothèse d’une nature humaine égoïste et rebelle à tout projet de mise en commun des biens, elle n’a pas non plus été faite. On ne peut l’écarter a priori mais on signalera à ceux qui seraient séduits par cette idée que, régulièrement, les théories suggérant qu’on ne pouvait changer tel type d’organisation sociale parce qu’elle correspondrait à la nature de l’homme ont été démenties par l’histoire : qui aurait pu soupçonner, dans l’Antiquité, qu’un jour l’esclavage serait aboli, alors qu’on affirmait qu’il était inscrit dans la nature humaine ? Prétendre aujourd’hui que la compétition interindividuelle, liée à la propriété privée de la production, est la base naturelle et indépassable de la vie économique constitue une affirmation tout aussi fragile et dont l’avenir ne me paraît guère plus garanti.
Par contre, on peut soutenir, sans verser dans le dogmatisme idéologique, que l’essentiel de l’analyse critique du capitalisme que nous offre Marx demeure valable aujourd’hui, si l’on admet qu’elle vise non une forme particulière de société - la société anglaise du XIXe siècle - mais un mode de production qui envahit aujourd’hui la planète, dont il a mis à jour les lois de fonctionnement et dont seules les formes concrètes ont véritablement changé du fait du bouleversement incessant des forces productives. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas revoir, enrichir, rectifier et même réviser certains aspects importants d’un héritage théorique que l’on a trop longtemps figé. C’est ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, que la thèse selon laquelle l’État pourrait et devrait un jour dépérir ne me paraît pas soutenable : nous aurons toujours besoin d’un pouvoir politique contraignant et porteur de normes organisant le vivre-ensemble, sauf à défendre une conception pour le coup angélique du fonctionnement de l’être humain et à occulter l’apport de Freud sur le fond pulsionnel de l’homme. Mais cela nous indique que nous n’avons pas à changer de paradigme intellectuel pour penser, critiquer et améliorer la société, à moins de renoncer à la dénonciation de son inhumanité actuelle et à prétendre que les concepts qui la révèlent - exploitation, oppression, domination, aliénation - ne sont plus valides.
À raisonner hors de tout préjugé intellectuel, la question de l’avenir du mouvement communiste n’est donc pas réglée : sa survie n’est ni assurée ni impossible. Tout dépendra de sa capacité à prendre en charge la question sociale dans toute son ampleur, car c’est elle qui est primordiale, et à se convaincre que la disparition de la caricature du communisme qui régnait à l’Est nous rend disponibles pour l’inventer ici.
(1) Dernier ouvrage paru : Karl Marx. Éditions Le Cavalier bleu, 2007.
par Yvon Quiniou, philosophe (1)





Messages
1. Mort, le communisme ?, 1er juin 2007, 17:03
L’analyse d’Yvon Quiniou ,en quelques mots du score du PCF à la présidentielle : vote utile, division irresponsable du camp antilibéral, instrumentation de l’extrême gauche pour affaiblir le PCF , hostilité des médias, souffre à mon avis:de l’importance de la lutte idéologique et son niveau , qu’a mené le capital financier mondialisé, afin de crédibiliser le système capitaliste et la solution individualiste , face à une solution collective.(voir mon article du 17 mai 2007 sur ce site intitulé « Et Maintenant.. »)
Le point de vue sur la tendance lourde du recul de l’influence communiste depuis les vingt dernières années me paraît incomplète, car si l’influence de la révolution « bolchevique » et ce qui a suivi n’a pas été un régime communiste et loin s’en faut, ( les termes employés le furent par l’idéologie bourgeoise et le devinrent dans l’inconscient collectif) on ne peut nier certaines avancées sociales et économiques en URSS et ce malgré un environnement géopolitique extrêmement défavorable ,voir fondamentalement hostile ,et ce depuis sa création en 1920.
D’autre part l’existence même de ce système sociopolitique de type autoritaire a permis le développement ,dans le monde entier d’un mouvement ouvrier structuré ,et de ce fait des avancées sociales et politiques dans les pays capitalistes développés.(Ce qui n’aurait peut être pu avoir lieu sans l’existence de ce système).Il en est de même du mouvement de libération nationale et de la décolonisation (Même si souvent s’y est substitué un néocolonialisme).
Le mouvement interactif :destruction du système sociopolitique d’Europe de l’Est a accéléré le mouvement de libéralisme et qui en retour accélère tout système sociopolitique qui de quelques manières que ce soit ralentirai sa mise en œuvre. La démarche idéologique et politique du Capital s’inscrit dans ce schéma.
Tout le reste de la démonstration de la démarche philosophique ,sur la valeur de l’idée même du communisme et l’analyse critique du capitalisme en tant que mode de production tel que l’a défini K.Marx ,me semble aujourd’hui primordial.
Roger bretagne
2. Mort, le communisme ?, 1er juin 2007, 18:03
L’idée n’est certainement pas morte puisqu’on la trouve, au moins en germe, dans l’antiquité...
La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure elle peut être réalisée concrètement. Dans les sociétés capitalistes actuelles, où la quasi totalité des médias sont aux mains de l’oligarchie dirigeante qui a enfoncé dans les esprits une idéologie de la réussite individuelle qui ne devrait rien à la collectivité, il paraît difficile qu’une alternative communiste puisse être mise en place dans le trés court laps de temps qui sépare 2 élections (à supposer que les électeurs fassent le choix de cette alternative, ce qui à mon avis relève de l’utopie).
Si l’on exclut la possibilité d’un succès de la lutte armée (encore plus utopique) la seule chance de résurrection du communisme me paraît liée à la survenance d’évènements catastrophiques du genre guerre mondiale ou désastre environnemental. En bref, le grand soir n’est pas pour demain et il attendra le retour de Netchaev : quand le peuple sera poussé au désespoir, alors seulement il se révoltera contre l’ordre établi aussi surement qu’il s’apprête aujourd’hui en France à remettre son sort entre les mains des représentants de l’infime minorité qui l’exploite que constitue l’UMP.
Bémol à mes propos pessimistes : les révolutions sont la plupart du temps imprévisibles !!!!!!
3. Mort, le communisme ?, 1er juin 2007, 19:02
à 83..161
Sans aucun doute pas entre les deux tours ! mais il s’agit d’un développement philos. sur l’avenir du communisme ,ce qui signifie la mise à terre du système capitaliste et bien sur cela ne peut se faire qu’avec un temps "certain". Cependant le capitalisme a mis 6 siecles entre la naissance de la classe sociale "bourgeoisie" l’élaboration de son idéologie ,la mise en place de sa démocratie,et son apogée impérialiste.La classe ouvrière est née concrétement dans le courant du XIX ème ,son idéologie révolutionaire,son organisation et sa structuration ne sont sans doute pas achevés.Ses combats révolutionaires n’ont pas permis ,jusqu’à présent, de l’emporter, ce qui ne signifie pas que son combat soit perdu.L’accélération dans le développement des sociétés est quelques fois beaucoup plus rapide que l’on pense ,ce qui ne veut pas dire,ce soir !
Roger bretagne
1. Mort, le communisme ?, 1er juin 2007, 21:53
la france a le probleme des 2 tours, en allemagne - 1 tour- chaque parti qui a au moins 5% dans le pays est represente, cela me permet de ne voter que gauche et NON plus ps (au 2 tour en france), cela permet a la gauche de se rassembler (en 2002 , encore 3 partis de gauche = 2 DEPUTES ! A PARTIR DE 2005- la gauche se rassemble petit a petit dans un parti = 55 deputes.(NOUS VOULONS ETRE ROUGE ET VERT = GAUCHISTE = PAIX ; ECONOMIE POUR "LES PETITS" ; ECOLOGIE ; coco- ecologistes de gauche - socialistes - etc ...MAIS CE N´EST PAS ENCORE FINI, nous voudrions rassembler tout ce qui est a gauche du ps) )) [nous ne prenons pas les sociaux-democrates =PS ; sauf ceux qui sont sorti du ps pour venir a gauche NATURELLEMENT] cela n´empeche pas ensuite la gauche et le ps de travailler ensemble sur certains points, a discuter. nous avons 2 atouts, le pc avec environ 150 000 et lcr 10 000 adherents, et vos votants , ce rassembler dans un parti cela ne veut pas dire etre pareil, on peut faire des plattes-formes ! salut j f dieux encarte die linke (seulement 75 000 adherents, ) (anarchistes mais encarte ! mon but premier est de freiner le capital)
4. Mort, le communisme ?, 2 juin 2007, 18:43
Le texte de Yvon Quiniou sollicite au bon moment la réflexion ; il met l’accent sur un aspect essentiel : les suites d’Octobre sur l’après guerre en URSS se sont muées progressivement en caricature hideuse et un objet de rejet légitime ; évidemment ,l’URSS n’était pas la figure du Socialisme ni celle a fortiori du Communisme et d’innombrables conquêtes sociales considérables , impensables , de cette époque furent ruinées par une politique qui tournait le dos aux ambitions initiales ; tout cela est vrai ; ce n’est pas un tour d’horizon , encore moins une analyse exhaustive mais il est indéniable que l’ombre portée par ce dont il était advenu de l’Urss et en gros de tout" le bloc de l’Est " porta un tort immense et pour une part irréparable à l’idée du communisme ; mais celui -ci n’est pas mort , et il revient au PCF d’en reprendre la route et le flambeau ; je ne veux pas laisser penser que, ce disant , je considère soudainement le PCF comme" dépositaire " du communisme , mais sans lui , en France , le communisme restera au mieux une idée vague si toutefois elle persiste ; j’ai toutefois un désaccord profond avec Yvon Quiniou , s’il le permet .
Je pense que l’idée du "dépérissement de l’Etat " mérite beaucoup plus et d’autres réflexions que d’être simplement passée à la trappe des idées obsolètes , fugitives et nuisibles ; si l’on me permet de citer l’esprit (je n’ai pas le texte sous la main) d’un texte de Lénine -si toutefois il est permis aujourd’hui d’écrire sans être brûlé vif qu’il n’est pas un dangereux agitateur mais un penseur profond qu’on ferait bien de relire à la condition évidente de le faire les yeux grands ouverts et pas dans l’idôlatrie qu’il aurait raillée - le dépérissement de l’Etat est un processus historique long et complexe dans lequel centralement on trouve la capacité de CHAQUE citoyen à s’emparer comme ACTEUR ET AUTEUR de la chose publique ; cette capacité suppose la libération partielle mais centrale de l’exploitation capitaliste ; partielle car il n’est pas envisageable de dire comment on en sort complètement dans un seul pays ; cette idée là est morte en effet ;partielle car une société qui dépasse le capitalisme a encore besoin POUR S’EN LIBERER de certaines de ses formes ; lesquelles exactement ? On ne peut le dire avec certitude . Et le génie populaire a son mot à dire à ce sujet . Centrale car on comprend bien que des ressorts fondamentaux doivent être brisés ; sur ces ressorts , Yvon Quiniou donne assez de précisions et ce n’est pas là dessus que nous différons ; nous différons , je l’ai dit, sur l’idée d’une mise au rebut du dépérissement de la COERCITION ETATIQUE ; et si le PCF après une longue maturation inachevée a fini par considérer que l’étatisme est un danger en soi pour toute démarche révolutionnaire démocratique , ce serait un comble d’y revenir par la bande en quelque sorte .
Je ne prétends ici nullement épuiser la question ; simplement demander , après cette catastrophe , qu’on ne prétende pas régler des problèmes aussi capitaux d’un revers de main .
OLIVIER GEBUHRER (CN du PCF)
5. Mort, le communisme ?, 2 juin 2007, 22:05
d’autres croient que c’est l’inverse : l’instrumentalisation du PCF pour affaiblir les révolutionnaires.
moi je crois ni l’un ni l’autre, je ne crois pas à la théorie du complot, chacun récolte simplement le fruit de ce qu’il sème. y en a assez de toujours chercher des causes extérieures plutôt que se remettre en question.