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« Ni à vendre ni à prendre »

Publie le mardi 11 octobre 2005 par Open-Publishing
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Tous les travailleurs suivent avec attention les développements de la grève à la SNCM (lire notre dossier page 6). La manifestation monstre de Marseille, ce 4 octobre, a exprimé l’état d’esprit qui est celui de toute la classe ouvrière dans le pays. Slogan le plus scandé : « SNCM, ni à vendre ni à prendre ! » Chacun comprend l’enjeu : faut-il, comme l’Europe l’exige, laisser la SNCM être privatisée, avec toutes les conséquences en termes de suppressions d’emplois et de disparition d’un service public ; ou faut-il imposer : aucune privatisation, maintien dans le service public, aucune suppression d’emploi ?

Reçu par le Premier ministre le 28 septembre, Bernard Thibault a déclaré avoir « obtenu une contre-expertise d’ordre juridique pour regarder quelles sont les contraintes européennes qui s’imposeraient au gouvernement français », précisant : « Je pense qu’il a plus de marge de manœuvre que ce qu’il affirme aujourd’hui » (Associated Press).

Ouvrons la discussion : les revendications ouvrières devraient-elles être cadrées par « les contraintes européennes » ? Est-il possible d’empêcher la privatisation, de maintenir la SCNM dans le service public et de garantir les emplois tout en respectant les « contraintes européennes » ?

Deux jours plus tard, le 30 septembre, se tient une nouvelle réunion entre les représentants de la CGT et ceux du ministère de l’Economie et des Finances. A la sortie, Bernard Thibault déclare que « la demande d’ouverture de réelles négociations pour un autre avenir de la SNCM est crédible et justifiée ». Comme principal argument à l’appui de cette affirmation, il ajoute : « Une modification du plan de restructuration de 2003 agréé par la Commission européenne est juridiquement possible jusqu’au 31 décembre 2006.

L’Etat peut donc, entre autres, procéder à une recapitalisation de l’entreprise. » Donc, l’Etat peut recapitaliser... Mais cela, personne ne le conteste. Même le commissaire européen aux Transports, Jacques Barrot, déclare le même jour que « si le gouvernement souhaite verser de nouvelles aides publiques, dans le cadre d’une actualisation du plan de restructuration en cours, la Commission examinera ces aides au regard de leurs effets sur la concurrence et des efforts de restructuration consentis par la compagnie » (dépêches AP).

Le mot clé est « plan de restructuration de 2003 ». Que dit ce plan, dicté par la Commission de Bruxelles le 9 juillet 2003 ? Il prévoit que la SNCM devra être rentable avant le 31 décembre 2006 et que, pour cela, elle devra procéder à toutes les cessions d’actifs nécessaires, et donc à toutes les suppressions d’emplois nécessaires ! On parlait de 600 suppressions d’emplois dans la première version. On en envisage 350 à 400 aujourd’hui... Dans ce cadre, la recapitalisation vise... à rendre l’entreprise rentable... pour mieux la privatiser-liquider définitivement !

La revendication « Maintien de la SNCM dans le service public, aucune privatisation, aucune suppression d’emploi » peut-elle être satisfaite dans le cadre du « plan de restructuration de 2003 » ? Non. Le caractère public d’une compagnie nationale exige de disposer du monopole de service public, or Maastricht l’interdit.

Cette revendication est-elle compatible avec l’Union européenne, qui dicte précisément toutes les mesures qui frappent aujourd’hui la SNCM ? Pas davantage.
Plus généralement, faut-il que les revendications ouvrières soient « euro-acceptables » ? N’apparaît-il pas clairement, au contraire, qu’une revendication qui devient « euro-acceptable » cesse d’être une revendication ouvrière (1) ?

Aucune privatisation, renationalisation de tous les services publics privatisés, aucune suppression d’emploi : c’est cela, la démocratie ! Et pour cela, car il n’y a pas le choix : rupture avec l’Union européenne !

Daniel Gluckstein

1) Cette réflexion vaut pour toutes les revendications. Mme Parisot (MEDEF) déclare qu’il n’y a pas d’argent pour satisfaire les revendications. Faut-il rappeler les 155 milliards d’euros d’exonérations détournés de la Sécurité sociale au bénéfice des patrons (lire page 2) ? Pareille manifestation de mauvaise foi patronale et gouvernementale a comme seule « justification »... les directives européennes qui organisent ce pillage. Accepter la logique des « contraintes européennes » ne revient-il pas à conforter la mauvaise foi des patrons et des gouvernements ?

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