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Discours de John Monks Secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les délégués, chers hôtes.
Comme vous l’avez constaté, mon français progresse.
Je prends maintenant la parole pour vous présenter le rapport d’activités mais aussi pour essayer d’imaginer le prochain mandat. Et bien sûr, pour remettre en question et, le cas échéant, critiquer ce qui a été fait. C’est votre droit et votre devoir. Mais aussi pour réfléchir à l’expérience des 4 années écoulées afin de contribuer à préparer les 4 années à venir. Mon objectif ce matin est de préparer chacun de nous à prendre l’offensive.
Au cours du mandat écoulé, nous avons souvent nagé à contre-courant – une expérience rude et fatigante.
Néanmoins, nous avons remporté des batailles dans la défense des acquis d’après-guerre. Au plan européen, la victoire sur la directive Bolkestein a incontestablement été le fait marquant des quatre années écoulées, et elle est associée à d’autres victoires syndicales européennes, comme, par exemple, sur la directive concernant les ports.
Au plan national, en France, nous avons soutenu les syndicats contre le CPE ; en Italie, contre le programme Berlusconi ; au Royaume-Uni, sur le rejet de la directive sur le temps de travail ; aux Pays-Bas, contre les changements apportés aux prestations de préretraite ; en Belgique, contre les plans visant à affaiblir les retraites ; en Turquie, contre les mesures répressives. Et ce ne sont là que quelques exemples.
Mais nous nous heurtons aujourd’hui à des courants contraires.
Premièrement, l’Europe et l’Amérique du Nord n’exercent plus une hégémonie incontestée sur l’économie mondiale. La Chine, l’Inde, la Russie et d’autres sont devenus des acteurs majeurs, à l’instar du Japon. Nous le constatons dans les négociations commerciales du Doha Round. Mais aussi dans le fait que, depuis 1990, le nombre de travailleurs a doublé dans l’économie mondiale et, dans la majeure partie des cas, les nouveaux arrivés sont moins chers, ils ne sont pas syndiqués et, dans le cas de la Chine, ils sont privés des droits humains et syndicaux de base.
Dès lors, la part des salaires dans le revenu de la plupart des nations européennes – notre part – a diminué par rapport aux bénéfices. Dans ce contexte, la part attribuée aux cadres et aux gens instruits a fortement augmenté, alors que les autres vivent une période difficile dans nombre de nos pays. Une autre conséquence est l’augmentation du travail précaire et aléatoire.
La mondialisation a été inventée en Europe, au profit de l’Europe au temps de l’empire. Par conséquent, je suis toujours prudent quand je regrette que, aujourd’hui, tout ne soit pas favorable à l’Europe. Je constate avec satisfaction que le niveau de vie a augmenté en Asie et j’espère que l’Amérique latine et l’Afrique connaîtront une réussite similaire.
Mais en Europe, les victimes sont souvent les petits salariés et les travailleurs moins qualifiés – nos peuples et notre responsabilité. Nous sommes à leurs côtés pour un meilleur avenir.
Un problème majeur réside dans la réponse des autorités européennes à cette situation. La stratégie initiale de Lisbonne était une tentative audacieuse et imaginative visant à équilibrer le progrès économique avec le progrès social et environnemental - à contribuer au changement et à aider les travailleurs à y faire face. Mais l’équilibre est en train de se rompre.
En vertu de l’orthodoxie qui s’est emparée de la Commission européenne et de nombreux gouvernements, pour pouvoir concurrencer des pays moins chers, plus flexibles, il faut "mettre un frein" aux progrès sociaux et environnementaux (dans lesquels l’Europe est le leader mondial), et donner plutôt la priorité à la croissance économique, où l’Europe est à la traîne par rapport aux Etats-Unis et à l’Asie.
Or, c’est ici que la Commission et d’autres commettent une erreur. Tous les indices révèlent que les économies les plus prospères en Europe et dans le monde sont celles des pays nordiques où les syndicats sont les plus puissants en termes de nombre de membres ; et où les négociations collectives sont les plus poussées ; mais aussi les pays où les progrès économiques, sociaux et environnementaux sont les plus étroitement liés.
Et ce n’est pas simplement une leçon du Nord ; au cours de la période d’après-guerre, l’ensemble de l’Europe occidentale ne s’est pas reconstruite en donnant uniquement la priorité à la croissance économique. Tous les pays ont allié la croissance à l’édification d’Etats providence, tout en soutenant les négociations collectives, le partenariat social et le tripartisme.
C’est ainsi que Lisbonne s’est déséquilibré.
On a constaté récemment avec plaisir que le développement durable et les énergies renouvelables bénéficient d’une plus grande attention – en raison du risque de réchauffement mondial. Je remercie le Président Barroso d’avoir contribué à ce changement d’orientation. Mais les signes indicateurs d’une relance de l’ Europe sociale restent rares.
En fait, le risque est toujours de la voir s’éloigner de nous.
La flexicurité à la danoise est l’exemple à la mode des marchés européens du travail. Au Danemark et dans d’autres pays nordiques, ce processus de changement est basé sur une forte implication des syndicats et sur les négociations collectives.
Mais au plan européen, cela devient un menu "à la carte" dont les choix les plus prisés par les hommes politiques sont la fin des contrats sécurisés, la réduction de la protection de l’emploi et des droits aux allocations de chômage. Et si vous avez un emploi stable, vous vous retrouvez brusquement qualifié de privilégié, qui empêche les autres d’avoir accès à un travail régulier. Vous êtes censé vous sentir coupable et renoncer à vos droits. Il est impossible de résoudre les problèmes de l’Europe ou d’autres pays en portant atteinte à la sécurité d’un nombre croissant de travailleurs et en les précarisant.
Des alliés se sont joints à notre campagne. 10 pays ont récemment accepté de plaider la cause d’une Europe sociale plus forte, et mon prédécesseur Emilio Gabaglio, en qualité de nouveau président du Conseil européen des ministres de l’Emploi, a participé à ce processus. Merci encore Emilio. Nous avons également des amis importants au Parlement européen.
Nos alliés ont compris que, sans une Europe sociale forte, l’Europe est mal vue. Si l’Europe est uniquement perçue comme un marché intérieur dynamique, dont les profits s’envolent alors que les emplois émigrent vers des lieux moins chers et les gens immigrent en provenance de ces mêmes lieux, les réactions de la population seront hostiles, nationalistes et protectionnistes. Les votes “non” en France et aux Pays-Bas l’ont clairement démontré – et les sondages pratiqués dans d’autres pays le confirment. Pour aller de l’avant et accélérer la croissance et réduire le chômage, il faut s’entendre avec les partenaires sociaux afin de prendre ensemble des décisions difficiles. C’est la voie empruntée par les pays nordiques. Mais aussi par l’Espagne et l’Irlande.
La clé de la réussite de la croissance économique n’est pas la déréglementation, la libéralisation excessive et le travail plus précaire ; c’est un partenariat social fructueux ; ce sont les négociations collectives, l’engagement à long terme et des syndicats forts.
Et c’est pourquoi, aujourd’hui, la CES doit passer à l’offensive. Tout d’abord pour introduire le syndicalisme dans les nouvelles industries et les nouveaux services, jusqu’aux niveaux atteints dans la fabrication et les services publics. Mais aussi pour effacer la vision de nombreux jeunes qui pensent que les syndicats sont faits pour mon père, mais pour moi et peut-être pas pour ma mère. C’est là notre tout premier défi – que les pouvoirs publics et la Commission européenne devraient nous aider à relever.
A un moment où le capitalisme financier agressif explose, que ses animaux les plus sauvages tels que le capital risque et les fonds de placement spéculatifs traitent de plus en plus les entreprises comme des vecteurs de spéculation, il faut des syndicats forts pour que les entreprises restent honnêtes.
Si les gouvernements craignent de s’attaquer à ces entreprises par la réglementation et la fiscalité, apportons leur l’aide nécessaire pour remplir leur tâche. Aidez-nous concrètement à renforcer la restructuration et donnez-vous de nouveaux droits en matière d’information préalable, de consultation, d’accès aux experts et de négociation. Nous ne pouvons laisser ces animaux sauvages ou, pour utiliser l’expression imagée du vice-chancelier Müntefering, ces “sauterelles”, transformer l’économie européenne en un casino géant.
Examinons maintenant un autre phénomène croissant en Europe. Rendez-vous dans n’importe quelle ville d’Europe d’occidentale et dans certaines villes Europe orientales et écoutez la diversité des langes parlées. La migration est une nouvelle caractéristique majeure d’un nouveau marché européen du travail émergent. Maintenant que l’UE/l’EEE compte 30 pays, il y a de plus en plus de travailleurs migrants qui sont soit exploités, soit traités comme des citoyens de seconde zone. C’est une erreur.
Soyons clairs. Nous apprécions les travailleurs migrants. Nous sommes favorables à la libre circulation mais pas à des armées itinérantes de travailleurs bon marché, vulnérables, prêts à être exploités par des gens peu scrupuleux. Organiser les migrants en syndicats, garantir des règles de mouvement adéquates à cette migration de masse, et s’assurer que les normes en vigueur sont celles du pays d’accueil – tels sont les objectifs de notre campagne. Si nous ne remportons pas ce combat, nous risquons une réaction protectionniste de nos propres membres.
Une décision majeure sera prise cette semaine par l’Avocat général de la Cour européenne dans les affaires Laval et Viking. Nous en reparlerons plus tard dans le courant de la semaine.
Et nous devons passer à l’offensive en faveur d’un dialogue social plus fort. Fait unique dans le monde, les syndicats européen ont le droit d’introduire des lois lorsque des accords peuvent être conclus avec les employeurs. Cette situation est à attribuer à une victoire antérieure de la CES. Mais d’une manière générale, les employeurs, à l’exception de certaines exceptions sectorielles, n’acceptent pas la nouvelle réglementation au plan européen et la Commission ne les incite pas assez à le faire. Des accords fort utiles ont été conclus récemment sur le télétravail, le stress et la violence au travail mais nous voulons renforcer l’influence des syndicats sur les travailleurs intérimaires, la restructuration et la délocalisation et sur un meilleur équilibre vie/travail. Nous voulons soutenir les employeurs décents contre les mauvais employeurs, et ne pas autoriser une course vers le bas.
Passer aussi à l’offensive en faveur des salaires et de la croissance de l’économie. Dans certains pays de la zone euro, les salaires réels n’ont pas augmenté. Il faut améliorer le pouvoir d’achat afin de stimuler davantage la consommation et la croissance – et donc de réduire le chômage. Toute la croissance ne doit pas être orientée vers l’exportation. Le temps est venu d’augmenter les salaires et, pour nous, de passer à l’offensive en faveur de telles augmentations. Les bénéfices sont élevés, la croissance augmente, le chômage diminue, les travailleurs méritent un partage équitable des gains – un salaire minium décent, garantissant un niveau de vie satisfaisant. Tel est le message que nous adressons aux employeurs et au Gouverneur Trichet, qui nous rejoindra demain, et à sa Banque centrale européenne.
Nous oeuvrons aussi en faveur de l’adoption par la BCE d’une approche davantage orientée vers la croissance. L’euro a été un succès mais pour de nombreuses entreprises industrielles, il est trop fort. On comprend que la BCE craigne que certains pays ne respecte pas les règles, mais une approche plus symétrique, plus propice à l’emploi et plus souple en termes de croissance des salaires réels lorsque la productivité augmente, est à notre avis fort utile.
Nous passons à l’offensive également pour les services publics. Notre économie ne doit pas être assujetie dans sa totalité au profit et aux actionnaires. Les services publics font partie du modèle européen et nous avons besoin d’une directive qui reconnaisse qu’ils ne soient pas sapés par le marché unique. C’est pourquoi nous voulons un million de signatures pour notre pétition. Je salue les effort accomplis par certains d ’entre vous et j’encourage ceux qui se reconnaitront à en faire de même.
M. le Président, la dernière offensive de la CES concerne l’Europe elle-même. Il est dans la nature des politiques nationales d’accuser l’Europe quand les choses vont mal et, quand elles vont bien, de s’en attribuer les mérites. Europe est trop souvent un bouc émissaire.
Depuis la signature du Traité de Rome, il y a 50 ans, l’Europe est parvenue à assurer la prospérité au sein des Etats-providence, avec de bons services publics et des syndicats influents.
L’adhésion de 12 nouveaux pays à l’UE depuis 2004 a été un succès, en dépit de tous les problèmes de transition – pires, en fait, en Europe centrale et orientale qu’en Europe occidentale. Fait unique dans le monde, les différences s’aplanissent entre les nations européennes alors que les taux de croissance des nations plus pauvres excèdent en général la moyenne européenne. Nous espérons qu’il en ira de même avec les nouveaux membres. Puisse votre voie suivre le parcours spectaculaire de l’Espagne et de l’Irlande vers la prospérité depuis leur adhésion à l’UE.
Mais nous n’oublions pas l’autre Europe. Les pays qui se trouvent à l’Est. Je suis fier du lancement du Conseil régional paneuropéen de la nouvelle CSI internationale afin de pouvoir pleinement tenir compte du syndicalisme dans toute l’Europe.
La CES se prononce en faveur d’une meilleure Europe et de plus d’Europe ; une Europe rassemblée autour de droits et de valeurs tels que la paix, la liberté, la démocratie et les droits fondamentaux ; une Europe avec plus d’emplois, de meilleure qualité ; une Europe dans laquelle les états-nations ne se font pas concurrence sur des régimes fiscaux moins chers ou des normes de travail moins strictes mais témoignent de leur solidarité et d’aspirations communes.
C’est la raison pour laquelle, quoi qu’il arrive au traité constitutionnel de l’UE, lors du sommet du mois de juin, la Charte des droits fondamentaux doit avoir un statut juridique complet. Nous voulons que les droits d’organisation et de grève, entre autres, soient pleinement reconnus en Europe. Nous plaidons pour plus d’Europe et une meilleure Europe. Je suis fier de la création du conseil paneuropéen de la nouvelle confédération syndicale internationale. Cette structure nous assure la prise en compte du syndicalisme dans l’Europe entière.
Nous en dirons plus à ce propos au courant de la semaine mais préparons-nous à nous mobiliser et à nous unir autour de la partie du Traité que nous avons tous acceptée.
Rappelez-vous - nous avons défilé en faveur de la Charte à Nice, et à nouveau à Laeken, près de Bruxelles. Ce que nous n’avons pas obtenu à l’époque, nous l’avons acquis dans la convention qui a abouti au traité constitutionnel. Il faut à présent préserver cet acquis. C’est essentiel pour demander plus d’emplois et de meilleurs emplois et un futur pour l’Europe sociale.
A ce propos, j’appelle le Congrès à se préparer à passer à l’offensive sur cette question, sur d’autres fronts, afin de faire de l’Europe sociale une réalité. Et pour faire de l’Europe une entité, généreuse et un modèle pour le monde – un lieu où les travailleurs peuvent profiter pleinement de tous les avantages, où le capital respecte les revendications des autres, et où les syndicats restent le premier et le meilleur ami du travailleur.
Passons à présent au rapport d’activités.
Messages
1. Passer à l’offensive avec la CES, 24 mai 2007, 13:31
La CES ou le triomphe du syndicalisme "responsable".
Plus d’Europe pour mieux casser les droits nationaux. Qui existent déjà en France. (mais de moins en moins, par l’application des directives de l’UE). C’est cela qu’ils veulent.
Fit campagne pour le oui au TCE.
2. Passer à l’offensive avec la CES, 24 mai 2007, 14:15
La ces n’est qu’une officine patronale où siegent des responsables syndicaux qui défendent la vision capitaliste de la sociéte.
C’est une honte que la cgt y soit,il est temps que les salariés se rendent compte que des privatisations,au oui au TCE la CES n’a rien fait pour défendre leurs interets au contraire.
Reconstruisons un syndicalisme international sur des bases de classes et de luttes.
un syndicalisme rompant avec la delegation à outrance et des permanents à vie.
Un retour des dirigeants à la production est une neccessité d’urgence.
SI la direction de la cgt avait été certainne de retourner bosser des années de plus pour le patronat,elle aurait gérer autrement la lutte contre le plan Fillon en 2003 !!
salarié de base
1. Passer à l’offensive avec la CES, 24 mai 2007, 18:58
pourqoi avoir validé ce texte de John Monks un collabo du kapital encore pire que chéreque et notat
3. Passer à l’offensive avec la CES, 24 mai 2007, 16:27
" Passer à l’offensive avec la CES "
vaut mieux en rire !! non ?
voir ici,
http://www.bellaciao.org/fr/?page=article&id_article=48721