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Pétrole en voie d’extinction

Publie le lundi 9 août 2004 par Open-Publishing

La flambée des cours du pétrole, si elle ne provoque pas encore de débat public sur l’utilisation de l’énergie, ravive la querelle d’experts sur les quantités de brut encore enfouies dans le sous-sol.

Faire prendre conscience au monde que la fête est terminée : c’est l’objectif que s’est fixé l’ASPO (Association for the Study of Peak Oil), un réseau informel de scientifiques et d’experts pétroliers du monde entier. Peu d’entre nous se sont rendus compte qu’il s’agit d’une fête, souligne Kjell Aleklett, président de l’ASPO, qui poursuit l’analogie en comparant le pétrole à du champagne. Après l’apogée de la fête vient le déclin, lorsque nous devons devenir sobres et affronter le fait que la fête se termine, écrit-il dans une contribution à une conférence sur le sujet.

La principale thèse de l’association est que le "pic" de production de pétrole, c’est-à-dire le moment où celle-ci commencera à décliner, est beaucoup plus proche qu’on ne le pense : aux alentours de 2008-2010 pour le pétrole, en 2013 pour le gaz. Cette date, cruciale, car elle signifie selon toute probabilité le début d’une ère de cours du pétrole très élevés, est particulièrement difficile à établir en raison du manque de fiabilité des chiffres, et de définitions souvent ambiguës, par exemple de ce qui est en droit d’être appelé « réserves » (il en existe trois types) ou seulement « ressources » (jugées moins sûres).

De plus, le concept de réserves est dynamique : leur niveau n’a cessé d’augmenter ces dernières décennies au fil des nouvelles technologies de « récupération » du brut, des découvertes et des réévaluations de gisements. Les estimations pour le « pic » varient en fait de 2004 à 2048, mais la date médiane de 2020, basée sur des réserves prouvées de l’ordre de 1.050 milliards de barils, est la plus fréquemment citée : elle signifierait une production toujours importante jusqu’en 2050 (correspondant encore à la moitié des besoins). Selon cette thèse, le pétrole sera encore produit jusqu’à la fin du XXIe siècle.

Mais selon l’association, les estimations fournies par les pays producteurs ne sauraient être prises pour argent comptant, et les réserves prouvées seraient à son avis de quelque 878 milliards de barils. Devant l’ampleur des enjeux, l’ASPO reproche aux gouvernements et aux compagnies pétrolières de dissimuler la vérité au grand public pour des motifs politiques et économiques peu avouables. De leur côté, les professionnels du pétrole murmurent que les membres du réseau, souvent des retraités des majors ou des universitaires, sont quelque peu dépassés en termes de technique et de statistiques.

Quel que soit l’état des réserves, le problème est réel. Il est de plus exacerbé par leur forte concentration au Moyen Orient et par l’envolée continue de la demande : selon l’Agence Internationale de l’Energie, le marché de l’énergie pourrait connaître une croissance de l’ordre des deux tiers d’ici 2030, et réclamera de gigantesques investissements. La récente hausse des prix du pétrole à plus de 40 dollars le baril ne suscite pas pour l’instant de débat sur le mode de consommation des ressources, les politiques s’inquiétant tout au plus de ses conséquences pour la croissance économique.

Pourtant, pour le député Verts français Yves Cochet, la fin imminente du pétrole bon marché est la plus grande épreuve qu’ait jamais affrontée l’humanité et ses conséquences sociales seront dévastatrices, prédit-il dans une récente tribune de presse. Sans reprendre la métaphore sur le champagne, il juge lui aussi que la seule conduite possible est l’apprentissage de la sobriété.

http://www.lesoir.be/rubriques/sens/page_5328_242780.shtml