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PÉTITION de SOLIDARITÉ AVEC BELLACIAO :
– Signez la pétition
– La France vote NON au journalisme citoyen
de Alice Antheaume
Sous la houlette de Philippe Houillon, député à l’Assemblée nationale, la loi de prévention de la délinquance a été amendée pour punir un phénomène apparu sur le Net, le « happy slapping » (baffe joyeuse en français). Une pratique courue par des adolescents qui choisissent une victime dans la rue et l’agressent tout en filmant la scène avec leur téléphone portable pour ensuite diffuser la vidéo sur Internet.
Un amendement pour sanctionner ce type de violences filmées, rien d’anormal. Or, avec la publication de cet amendement, la relecture du texte a révélé au grand jour (notamment dans la presse anglo-saxonne) un alinéa plus confus, écrit dans le texte de loi sur la prévention de la délinquance (Art. 222-33-3), qui ne prévoit pas le même traitement pour tous les vidéastes. « Lorsque l’enregistrement ou la diffusion résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice », aucune sanction n’est prévue. Cela veut-il dire que seuls les journalistes et délateurs sont libres de filmer les dérapages auxquels ils peuvent assister ? Qu’en est-il pour les autres, les blogueurs ou tous ceux qui se piquent de pratiquer du journalisme citoyen et qui auraient filmé des agressions en vidéo sans fournir leur document à la police ?
Alerte de RSF
Reporters sans frontières s’alarme : « les internautes sont parfois les "capteurs" d’un événement, grâce notamment aux téléphones portables capables d’enregistrer des images et des vidéos, et peuvent diffuser leurs propres contenus sur le Net. (…) En Egypte, par exemple, des blogueurs ont récemment révélé une série de scandales impliquant les services de sécurité et démontré, au moyen de vidéos tournées clandestinement dans des centres de détention, que la torture était encore régulièrement pratiquée dans ce pays. Dans le domaine des droits de l’homme, ce sont eux, et non des journalistes professionnels, qui ont été à l’origine des informations les plus fiables et les plus dérangeantes pour le gouvernement ».
Selon Reporters sans frontières, filmer des agressions, même quand on n’est pas journaliste, ne doit pas être « criminalisé dans un pays démocratique ».
Réponses des faiseurs de loi
La loi est en effet floue : comment distinguer ceux qui provoquent des agressions pour les filmer et ceux qui filment des agressions sans les provoquer ? Interrogé sur l’amendement du « happy slapping », le député Philippe Houillon estime que « juger de l’intention est très difficile. Celui qui filme expressément une scène de violence et qui connaît le garnement qui a commis l’agression peut être poursuivi. Ce n’est pas le même cas qu’un badaud qui se trouve par hasard sur le lieu de l’agression et qui filme la scène pour ensuite transmettre la vidéo à la police. A priori, dans ce cas, il n’y aura pas de poursuite ». Et si le badaud ne transmet pas cette vidéo à la police ? « Pour moi, reprend Philippe Houillon, c’est un élément à charge contre le filmeur. Encore plus s’il la diffuse sur le Net ».
Le porte-parole de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier, précise : « un juge sait faire la différence entre une vidéo d’"happy slapping" et une vidéo citoyenne et saura comment appliquer la loi (...). Néanmoins, un journaliste est un journaliste et un citoyen est un citoyen ».