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Robert Fisk : la sinistre vérité du Camp Cropper en Irak
Publie le jeudi 31 juillet 2003 par Open-PublishingLa sinistre vérité du camp américain Cropper,
une histoire à tous nous couvrir de honte
Par Robert Fisk
Le 22 juillet 2003
Sources :
The Independent
Traduit de l"anglais par e.colonna
Maintenant,voici une histoire à tous nous couvrir de honte.
Elle concerne les scandaleux camps de prisonniers de l"Amérique en Irak.
Elle concerne les tabassages de détenus durant leur interrogatoire.
"Sources "peut être un mot douteux en terme journalistique actuellement mais
les sources
àindiquant les passages à tabac en Irak sont irréprochables.Cette histoire
concerne aussi le
meurtre de 3 prisonniers à Bagdad,deux d"entre eux alors "qu"ils tentaient de
s"évader ".
Mais la meilleure de toutes,c"est celle de Qais Mohamed Al-Salman.
Qais al-Salman est juste le profil d"individu que l"ambassadeur US Paul
Bremer et ses assistants bigleux recherchent en ce moment.Il hait Saddam,s"est
enfui d"Irak en 1976,puis est revenu après "la libération "avec une serviette
littéralement remplie de projets pour aider à la restauration des infrastructures
de son pays et du système de purification des eaux.
Il est ingénieur,a travaillé en Afrique,Asie et Europe.Citoyen Danois,il
parle un bon anglais.
Il aime même l"Amérique.Ou l"aimait jusqu"au 6 juin de cette année.
En cette journée,il roulait dans la rue Abu Nawas lorsque son véhicule fut
pris sous le feu
américain.Il me dit qu"il n"avait jamais vu un checkpoint.Des balles
touchèrent les pneus.
Le conducteur et un autre passager coururent pour sauver leur vie.Qais
al-Salman resta sagement à coté du véhicule.Il portait son passeport danois,son
permis de conduire danois et ses certificats médicaux.
Mais laissons le raconter sa propre histoire.
"Un voiture civile surgit avec des soldats américains à l"intérieur.Puis
davantage de soldats dans des véhicules militaires.
Je leur ai dit que je ne comprenais pas ce qui se passait et que j"étais un
chercheur scientifique.
Mais ils m"ont fait m"allonger par terre dans la rue,m"attachant les bras
dans le dos et les pieds à l"aide de fils métallo plastique et m"ont embarqué
dans un de leur véhicule."
La prochaine étape de cette histoire compromet notre propre profession
journalistique.
"Après 10 minutes passées dans le véhicule, ils m"ont traîné dehors.
Il y avaient des journalistes avec des appareils photos.
Les Américains m"ont détaché,puis m"ont fait de nouveau m"allonger sur la
route.
Ensuite,devant le flash des appareils,ils m"ont attaché les mains et les
pieds et m"ont remis
dans le véhicule ".
Si aujourd"hui à Bagdad,ce n"était pas une histoire ordinaire -si les grandes
injustices infligées
aux Irakiens ordinaires ainsi que les mauvais traitements dans les camps de
prisonniers US ici
n"étaient pas si ordinaires, alors l"histoire de Qais al-Salman ne serait pas
si importante.
Amnesty International est arrivé à Bagdad hier pour enquêter aussi bien que
pour les crimes monstrueux de Saddam que pour le centre de détention de masse
installé par les Américains à l"aéroport international dans lequel plus de 2000
prisonniers vivent dans des tentes,
sans air et sous une chaleur écrasante.
La prison de fortune est appelée Camp Cropper et il y a déjà eu deux
tentatives d"évasion.
Les deux prétendus évadés, inutile de le dire,furent rapidement tués par
leurs geôliers
américains.
Hier,Amnesty ne fut pas autorisé à visiter le Camp Cropper.
C"est là où les Américains ont emmené Qais Al-Salman le 6 juin.
Ils l"ont conduit dans la tente B,un vaste ensemble de toile contenant plus
de 130 prisonniers.
"Il y avait là, différentes classes de population,"me dit Qais al-Salman.
"Il y avait des personnes possédant un niveau élevé de culture,des docteurs
et des
universitaires,et des gens constituant le bas de l"échelle,mendiants voleurs
et
criminels tels que je ne les avais jamais vus avant."
"Dans la matinée, je fus emmené pour interrogatoire devant un officier
américain du
renseignement.
Je lui ai montré des lettres m"impliquant dans des projets d"aides US.
Il m"a collé une étiquette sur ma chemise.On pouvait lire, Présumé Assassin."
Maintenant,il y a probablement quelques assassins au Camp Cropper.
Le bon,le mauvais et le pire ont été incarcérés ici :
anciens baasistes, probables tortionnaires, pilleurs et juste des gens qui
étaient
sur le chemin des militaires américains.
Seuls les détenus "triés "sont battus durant l"interrogatoire.
Et je le répète encore,la source est irréprochable, et occidentale.
Qais Al-Salman n"avait pas d"eau pour se laver, et après en essayant
d"expliquer son innocence lors d"un second interrogatoire,il fit une grève de la faim.
Aucune charge n"était retenue contre lui et pas de motif pour les geôliers
américains à le retenir enfermé.
"Quelques soldats m"ont ramené à Bagdad après 33 jours passés dans ce
camp,ils m"ont lâché dans Rashid Street , m"ont donné mes documents et mon passeport
en me disant, "désolé"."
Qais al-Salman rentra chez sa mère brisée de chagrin qui avait longtemps cru
son fils mort.
Aucun Américain ne l"avait contactée malgré ses appels à l"aide désespérés
aux autorités US.
Personne ne s"est occupé de prévenir le gouvernement danois qu"ils avaient
emprisonné un de leurs citoyens.
Simplement comme au temps de Saddam, un homme était juste "porté disparu "des
rues de Bagdad.