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Trois jeunes basques, ressortissants français vont être livrés à la justice espagnole
Publie le samedi 29 mai 2004 par Open-PublishingAmaia Rekarte, Harritza Gallaraga et Yves Maxikotte, les trois jeunes basques du nord menacés d’être livrés à l’Espagne, dans le cadre du mandat d’arrêt européen, pour délit de militantisme politique, passaient devant la Cour d’appel de Pau mardi 25 Mai, Une centaine de personnes étaient venues les soutenir. La décision de la Cour sera rendue mardi 1er juin. Une manifestation nationale aura lieu samedi à Baiona appelée par de nombreuses organisations.
Le juge a d’abord demandé aux trois s’ils acceptaient leur livraison à Madrid, ce qu’ils ont évidemment refusés. Les trois lapurtar ont réaffirmé leur engagement et leur militantisme politique public dans l’organisation de jeunesse Segi et dénoncé la persécution et la criminalisation politique dont ils sont victimes.
Le président du Tribunal, Henri Suquet, s’est livré, vu que c’est la première fois que s’applique le mandat d ?arrêt européen, à une explication de texte du mandat. Au passage, il noté " que nous avons l’obligation " de refuser une demande si une personne est persécutée en raison de ses opinions politiques, sa race, son sexe, sa langue ou sa nationalité (ce qui est une base de l’article 19 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne).
Pour le Président de la Cour, Henri Suquet, " nous allons vers une justice européenne comme nous l’avons fait pour la monnaie ".
L’avocate générale de la chambre d’instruction, Chantal Firmingier-Michel, a demandé l’application du mandat d’arrêt européen, " l’Espagne leur reprochant diverses infractions de terrorisme " Elle a souligné qu’il s’agissait " d’une obligation pour les autorités françaises ".
" D’autres vont suivre "
La procureure a tenu à faire savoir que " pour la première fois de sa vie ", elle avait remis en liberté des personnes en attente de leur procès, et que cela était un test, en affirmant qu’il y aurait d’autres procédures qui suivraient et que si les trois ne se présentaient pas, les prochaines personnes sous le coup d’un mandat d’arrêt européen seraient incarcérés.
La défense
La défense a demandé le rejet de la demande espagnole sur la base d’au moins deux points : le caractère politique des activités visées par le juge Garzon et l’accusation de Garzon selon laquelle des faits incriminés auraient été commis sur le territoire français.
Me Maritxu Basurco, pour la défense des trois jeunes, a demandé à la Cour de ne pas appliquer le mandat, " la justice espagnole ne leur reprochant aucun délit concret " autre " qu’être porte-parole du mouvement Segi. ". L’accusation espagnole, en effet, ne précise pas les " actes " reprochés, " ni leur degré de participation, ni leurs dates " contrairement à ce que demande la loi, et évoque juste la participation à des manifestations à Donosti ou à Baiona..
Sa collègue Me Yolinda Molina a demandé au tribunal de rejeter la demande au motif " qu’être porte parole d’un mouvement politique c’est défendre des idées politiques ".
La défense a solennellement averti le Tribunal que dans l’Etat espagnol " se pratique toujours la torture ".
Le Tribunal a précisé que le délai entre l’arrestation et la remise à la justice espagnole est de trois mois, recours inclus. La décision de la Cour d’Appel peut être contestée devant la Cour de Cassation.
Pour Askatasuna " la défense a prouvé à la justice française qu ?il existait des possibilités pour que le mandat ne soit pas appliqué ", mais, " par l’attitude du procureur, le gouvernement français montre clairement qu’il est prêt à assumer ces remises à Madrid pour des délits uniquement politiques ". Pour Askatasuna, " les autorités françaises, en accédant à de telles mesures, participent à la persécution contre les mouvements politiques basques, menée tout au long de ces dernières années ". L’association appelle à venir nombreux et nombreuses à la grande manifestation nationale de samedi : " l’arrêt de cette injustice est entre nos mains ".
Soutiens
A Uztaritze, les trois en appellent à la société basque
Les soutiens continuent d’affluer autour des trois jeunes, tant au niveau national, qu’hexagonal. Samedi 22 Mai, une conférence de presse a réuni une centaine de personnes à Miarritze, venues de divers mouvements, syndictats, associations, partis, gaztetxe, Un jeûne de soutien a eu lieu tout le week-end à Senpere et Uztaritze. Les trois jeunes Lapurtars se sont " enfermés " toute la semaine à Uztaritze. Ils invitent la population, ses organisations à venir les rencontrer. Mercredi, ils rencontreront les mouvements de jeunes. Jeudi et vendredi, les associations, syndicats et partis qui le désirent.
Manifestation nationale à Baiona samedi 29 Mai
Le Manifeste du 29 Mai continue à recevoir de nombreuses signatures d’élus, de personnalités, d’associations, de gaztexte, de groupes de rock, de mouvements, syndicats, partis. Askatasuna rendra publique la liste complète en fin de semaine. La manifestation partira à 17 h de la Place des Basques à Baiona.
Réactions nombreuses
Plusieurs communiqués sont parvenus à notre rédaction. Le secrétariat international de la CNT, qui demande l’annulation de la procédure, " se joint aux familles et à leurs organisations afin de témoigner sa solidarité " et " une fois de plus s’inquiète de cette législation et ces pratiques visant à criminaliser le mouvement social sous couvert de lutte anti-terroriste "..
Anaia Artea se demande " si le Tribunal de Pau se mettra aux ordres du gouvernement espagnol. ? " " S’il fait exécuter le mandat d’arrêt européen, il entérinerait la décision d’un pouvoir judiciaire dont personne n’ignore qu’il a perdu toute indépendance par rapport au pouvoir exécutif. D’où une démocratie de façade qui, dans la réalité, s’autorise des violations graves et répétées des droits des personnes : pratique de la torture, interdiction de journaux et arrestations de journalistes, interdiction de partis politiques et emprisonnement des élus, interdiction de se présenter aux élections etc. "
Le CDDHPB (Comité pour la Défense des Droits de l’Homme en Pays Basque ") attend des juges de Pau " le réflexe élémentaire de refuser cet outrage à la Justice et cette atteinte à l’intégrité des citoyens. Ce serait la première fois que la France commettrait le scandale de livrer à un autre pays ses propres citoyens n’ayant à ses yeux commis aucun délit ".
Batasuna " s’insurge contre cette nouvelle atteinte à la liberté d’opinion et d’expression qui vise à criminaliser toute dissidence politique. "
Le Comité de Solidarité avec le peuple basque dénonce " ce nouvel outil répressif qui court-circuite tout contrôle judiciaire et toute défense. Nous espérons que l’Etat français suivra l’exemple de la Belgique, qui récemment a refusé de donner suite à une telle demande. " Le Comité appelle à adhérer au Manifeste du 29 Mai.
La Fsu 64 rappelle " son exigence permanente de respect des droits individuels et collectifs et dénonce fermement l’application des procédures d’extradition et des mandats d’arrêt européens qui violent des droits fondamentaux. La dérive autoritaire du gouvernement Raffarin, même si elle excipe d’"exigences européennes" n’est pas acceptable et porte atteinte aux libertés individuelles et collectives. La FSU demande la levée de la procédure dirigée contre les trois jeunes concernés. "