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Trois millions pris au piège dans l’économie souterraine
Publie le mardi 6 mars 2007 par Open-Publishing
Traduit de l’italien par karl&rosa
C’est le nombre, en Italie, des travailleurs auxquels aucun droit ni protection n’est reconnu. A la diminution des étrangers correspond ces dernières années une augmentation des résidents irréguliers. Leurs histoires sont dans le rapport de recherche d’Ires-CGIL. Damiano : "Aujourd’hui démarre l’Observatoire sur les call center"
Beaucoup disent n’avoir jamais signé un contrat de travail de leur vie. La paye, s’il y en a une, est journalière ou hebdomadaire, avec une moyenne de quatre euros de l’heure. Les charges de travail sont souvent excessives. Tous sont préoccupés à cause de retraite qu’ils n’auront pas, bien sûr. Ce ne sont que quelques aspects émergeant du troisième rapport "Les visages de l’économie souterraine" présenté aujourd’hui par Ires-CGIL à Rome au meeting auquel ont participé Agostino Megale, Giovanni Altieri, Fulvio Fammoni, Guglielmo Loy, Giorgio Santini et le ministre du Travail Cesare Damiano.
Le phénomène, dit le rapport, a des proportions alarmantes : 5 millions d’emplois et plus de trois millions de salariés à qui ne sont reconnus ni droits, ni protection. En Italie, 12 salariés sur 100 sont engagés dans des prestations non réglementaires. Le « travail au noir » atteint toutes les latitudes et toutes les longitudes. Des jeunes qui font leurs premiers pas dans le monde du travail mais aussi des travailleurs « mûrs » pris au piège depuis longtemps. De nouvelles professions ou des métiers anciens. Des hommes et des femmes.
« Par une action forte des syndicats et des entreprises avec le gouvernement – a dit le président de l’Ires-CGIL, Agostino Megale – nous pourrions être les protagonistes d’une importante action contre la précarité : et réduire de 500 000 personnes le phénomène de l’économie souterraine ». Cesare Damiano a annoncé qu’aujourd’hui au ministère du Travail sera constitué un observatoire sur les call center pour y vérifier l’évolution de la négociation et l’allure de la régularisation des salariés du secteur.
Il est vrai que ces dernières années on a enregistré un recul dû en bonne partie à la régularisation qui a concerné 647 000 étrangers, surtout en 2002 et en 2003. Mais entre 2000 et 2004 les irréguliers résidents ont augmenté de 100 000, avec une hausse de 6,2%. Les secteurs les plus concernés sont l’agriculture (avec un taux d’irrégularité de 18%), les services (13,4%), le bâtiment (10,8%). Le taux est plus modeste dans la manufacture (3,8%). Si on examine le détail dans le secteur des services, on s’aperçoit de comment le taux est différencié. Dans les services domestiques on arrive à 49%, dans les hôtels à 35% et dans le transport de marchandises à 28,8%.
Les disparités territoriales ces dernières années sont devenues encore plus aigues. Entre 2000 et 2004 on a enregistré au Sud une augmentation globale des irréguliers de 6%, tandis qu’au Centre et au Nord le recul a été important, de 17 et de 20% respectivement.
Dans une comparaison européenne, réalisée par le Rapport Undecleared Workers in an Enlarged Union, l’Italie montre sa tendance « divergente » par rapport à la moyenne des pays de l’Union européenne à 15, où la moyenne de l’économie souterraine se situe en dessous de 5% du PIB, tandis qu’elle arrive chez nous à 17%.
Des histoires recueillies par Ires-CGIL on comprend comment pour les irréguliers du Nord la condition du travail est perçue comme transitoire, tandis que les « souterrains » du Sud considèrent l’irrégularité comme inexorable. De même, pour les jeunes, le travail au noir est acceptable s’il est passager, tandis que les adultes tendent à le vivre comme « structurel ».
Il y a ensuite des conditions qui caractérisent les travailleurs selon les branches. Des Pouilles à la Vénétie, les travailleurs employés dans le tertiaire changent souvent d’emploi, en passant d’une branche à l’autre, sans arriver à exploiter les compétences acquises au fur et à mesure. Dans l’industrie, au contraire, les irréguliers restent dans le même emploi et dans la même branche beaucoup plus longtemps et pour nombre d’entre eux le salaire atteint à peine 4 euros de l’heure. Ici l’irrégularité à créé une sorte d’habitude et d’acceptation presque « indifférente » aux conditions sans règles.
De la recherche, émerge aussi la difficulté du syndicat de joindre les réalités irrégulières singulières et le peu de conscience de la part des travailleurs de pouvoir revendiquer leurs droits. Plusieurs travailleurs, relatent les auteurs, mettent l’accent sur leur sentiment de solitude à vivre leur condition par rapport à ce qui devrait être le rôle des institutions.