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Dette publique, halte à l’intox !!
Publie le jeudi 1er mars 2007 par Open-Publishing12 commentaires

de DOMINIQUE SICOT
C’est la "guest star" de la campagne : la dette !! vaincre le chômage, lutter contre la précarité, les inégalités, l’injustice... vous n’y pensez pas il y a la dette ! Une intox savamment orchestrée par les tenants du libéralisme.
A peine s’amorce un débat sur les choix de société que devraient permettre la prochaine élection, à peine un candidat ose-t-il une mesure qui nécessite qu’on y consacre quelques deniers publics qu’arrive l’argument d’autorité : la dette ! Une officine patronale, l’Institut de l’entreprise, chiffre à tour de bras le moindre éternuement des uns et des autres et s’érige en gardien du temple.
La patronne du MEDEF, Laurence Parisot, manie le bon sens près de chez vous sur RTL le 17 février : "C’est très bien d’avoir une colonne dépenses mais où est la colonne recettes ?" Les sortants s’en mêlent, bien sûr. "Si c’était Mme Royal qui était élue, pérore le ministre de l’Économie, Thierry Breton, sur Canal Plus, le 15 février, figurez-vous qu’à la fin du quinquennat, avec son programme, le taux d’endettement de la France passerait de 64,6 % à 84 %, c’est-à dire que la dette passerait de 1 100 milliards à près de 2 000 milliards d’euros."
Fichtre ! Et pourtant, il n’a rien de révolutionnaire le programme de la candidate du PS, qui se laisse aller, elle aussi, à souligner le caractère « insoutenable » de la dette ! Le premier ministre, Dominique de Villepin, invoque, lui, « l’enjeu vital du désendettement ». On commence à avoir froid dans le dos. La presse poursuit la chanson : « Les candidats à la présidentielle face au mur de la dette », titrait récemment le site du magazine économique « l’Expansion » (l’expansion.com) alors que « le Figaro » du 13 février affichait à la une « La dette et les déficits s’imposent dans la campagne ». Du coup, Sarkozy et Bayrou peuvent se présenter comme vertueux et responsables en prônant, au nom de la réduction de la dette, l’un, la baisse des dépenses publiques et des effectifs de fonctionnaires, l’autre, d’inscrire dans la Constitution l’interdiction de proposer un déficit du budget de l’Etat lors du vote de la loi de finances.
Depuis décembre 2005 et la publication du rapport Pébereau commandé par le ministre de l’économie et des finances, le processus de dramatisation est en route. Des chiffres écrasants : plus de 1100 milliards d’euros de dette publique, soit 66% du PIB, plus de 3 fois plus qu’en 1980 ; 40 milliards d’euros d’intèrêts payés chaque année aux créanciers, soit le deuxième poste du budget de l’Etat, juste derrière l’enseignement scolaire mais avant la défense. Une rhétorique moralisatrice : « La France vit au-dessus de ses moyens ! », « Nous léguons le fardeau de la dette aux générations futures ! ». L’objectif : marteler dans l’opinion publique qu’il est indispensable, nécessaire, vitaL.. de réduire cette dette, résultat de déficits cumulés de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales, et qu’il faut donc pour cela sabrer dans les dépenses publiques. C’est la « pédagogie de la dette », la dernière astuce trouvée pour présenter des choix politiques libéraux comme des contraintes économiques absolues.
Or cette dette est le fruit de choix politiques antérieurs. C’est la déréglementation et la dérégulation des marchés financiers mises en place par les gouvernements américain, britapnique puis français au cours des années 1980 qui ont permis à l’État de privilégier le financement par l’endettement plutôt que par l’impôt. C’est l’effet conjugué des taux d’intérêt élevés (maintenus pour soutenir un franc fort et l’arrimer à la monnaie allemande dans la phase de préparation de l’Union monétaire européenne), du ralentissement de la croissance et du chômage qu’ils ont engendrés, et du choix de baisser les impôts des plus aisés qui a provoqué un véritable effet boule de neige de la dette au cours des années 1990 (les taux d’intérêt élevés rendent les emprunts plus onéreux, le chômage fait augmenter les dépenses sociales et baisser les rentrées fiscales, les cadeaux fiscaux aux plus riches privent l’État de ressources). De 34 % du PIE en 1991, la dette publique estpasséeà59 % en 1997. Si la dette est aujourd’hui très loin d’être« insoutenable », il n’y a pas de raison en revanche pour que les impôts des plus modestes, la TVA par exemple, servent à verser 40 milliards d’euros d’intérêt aux créanciers de l’État : les banques, les compagnies d’assurances, les ménages les plus aisés, qui ont de quoi épargner et profitent de niches fiscales diverses et variées, les fonds de pension étrangers (60 % de la dette négociable de l’État, soit 45 % du total de la dette publique, sont détenus par des non-résidents). Autant de prêteurs qui savent très bien que la France n’est pas en faillite et que les obligations d’État et les bons du Trésor français constituent des placements sûrs et rémunérateurs !
Aucune raison donc de laisser filer la dette et l’argent public. Si réduire les dépenses destinées à l’éducation, à la santé, à la recherche, aux retraites, aux politiques sociales, à la préservation de l’environnement, aux investissements en infrastructures publiques... est suicidaire pour la croissance, l’emploi et la justice sociale, on peut légitimement s’interroger sur l’efficacitédes 65 milliards d’euros d’aides aux entreprises distribuées chaque année ou sur les 40 milliards d’euros de fraude fiscale et sociale (plus que le déficit du budget de l’Etat) qui grèvent chaque année les comptes publics. On peut aussi remettre en cause le dogme de la stabilisation, voire de la baisse, soi-disant nécessaire, du taux des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales). Il tourne autour de 44 % du PIE en France mais atteint 50 % dans les pays nordiques qui ne sont pas mal gérés mais simplement plus solidaires. Si l’obstacle tient au dumping fiscal auquel se livrent les pays européens entre eux, il n’a donc là encore rien à voir avec une quelconque règle économique mais avec les choix politiques qui sous-tendent la construction européenne et qui làencore ne sont pas intangibles.
Et si tout simplement on arrêtait de la payer la dette ? Un moratoire sur la dette et le service des intérêts, non pas parce la France est en faillite, mais parce qu’il y a « urgence sociale » : le chômage, le logement, la paupérisation des salariés... C’est ce que propose un économiste comme François Chesnais (1). Gonflé ? Oui, bien sûr. Mais, finalement, la politique, c’est quoi d’autre que de l’audace et de l’imagination ? Modifier ces choix permettrait par exemple de stopper la course au toujours-moins en matière d’impôt sur les sociétés. Alors que cet impôt que 15 % des recettes de l’Etat, la droite veut encore baisser son taux de 33 % à 20 % au nom de l’harmonisation européenne (et ce alors que les entreprises du CAC 40 réalisent plus de 100 milliards d’euros de profits par an). La dette n’est pas un obstacle à toute politique sociale, juste un alibi.
DOMINIQUE SICOT dsicot@humadimanche.fr
(1) Voir« l’Humanité" des débats (« l’Humanité du 24 février »). Dernier ouvrage paru, en collaboration avec Suzanne de Brunhoff , Gérard Duménil, Dominique Lévy et Michel Husson ; « la Finance capitaliste ». Séminaire d’études marxistes. Actuel Marx Confrontations (PUF). 2006
Sources :
HD du jeudi 1 mars
Messages
1. Dette publique, halte à l’intox !!, 2 mars 2007, 00:23
Entre nous, pourquoi serait-on obligé de les croire, hein ? Quand on voit le train de vie des ministres et du président, on est en droit de se dire qu’il y a de l’argent, sinon, ils se seraient serrés la ceinture, comme ils nous le font à nous. Quand on voit Sarkozy qui se fait payer ses déplacements de candidat avec l’argent du ministère de l’intérieur, on peut se poser des questions. Rappelez-vous aussi le loyer exorbitant qui était versé au ministre de l’agriculture Guimard, l’augmentation du médecin (super-boum, la Sécu peut attester), les émoluments des ministres (70 %), pendant que le peuple ramasse des poussières.
Franchement, on ne peut pas dire que ces ministres droitistes soient très doués pour gérer un état. Ca sent le pillage à plein nez.
Ah, j’oubliais, les super-bénéfices faient par les salariés que le MEDEF a confisqué. 100 milliards !
Je ne m’inquiète donc pas. Il faut juste rééquilibrer les partages. La droite s’est constituée des fortunes colossales pendant 5 ans, j’espère bien que ça sera au tour des salariés de se remplir les poches pendant au moins 5 ans ! Chacun son tour.
2. Dette publique, halte à l’intox !!, 2 mars 2007, 08:31
Mais bien sur, c’est tout à fait normal qu’une génération finance sa protection sociale à crédit, fasse payer son train de vie passé par ses enfants...
Les baby-boomers sont des voleurs !
www.nonaladette.fr
1. Dette publique, halte à l’intox !!, 2 mars 2007, 11:12
En voilà un qui a bien appris sa leçon en répétant ce qu’il entend à la télé et ce qu’il lit dans son très progressiste Libération .....
La dette n’est que le résultat de la baisse des impots pour les plus riches et des entreprises et la transformation du prélèvement obligatoire en emprunts.
L’Etat y perd deux fois, les puissants y gaganent deux fois : moins d’impots à payer et ils touchent les intéret sur les prêts ...
Faut vraiment être limité et n’avoir aucune solidarité envers ses semblables pour faire croire que les responsable serait une génération particulière....
Jips
2. Dette publique, halte à l’intox !!, 2 mars 2007, 15:46
Ouhla, j’ai l’impression que vous êtes bien limité dans votre raisonnement ("les puissants ils sont méchants, l’Etat est une victime"). Je vous renvoie direct vers mon blog : http://nonaladette.canalblog.com/archives/2007/02/27/3460270.html
J’ajoute qu’en 1980 la France était le pays le moins endetté de l’OCDE. Aujourd’hui, c’est un des plus endettés (et on continue à s’enfoncer). Ca veut dire que depuis 30 ans, il y a une génération (ça inclut particuliers et entreprises) qui bénéficie de services publics sans les payer, alors même qu’elle va avoir un coût sans précédent au cours de ses vieux jours sur chaque individu de la génération suivante !
Nous, on paiera plus d’impôts pour moins de services publics.
3. Dette publique, halte à l’intox !!, 3 mars 2007, 00:19
<< Nous, on paiera plus d’impôts pour moins de services publics. >>
OUI ! Pour cela DEUX conditions
– vous n’êtes PAS de la FRANCE-d’EN-HAUT
– les 5 prochaines années ont un gouvernement de DROITE
À vous lire, vous ne remplissez pas la première, alors... :p
4. Dette publique, halte à l’intox !!, 3 mars 2007, 07:08
Très limité, non .
Mais on ne fait pas de site avec des copier/coller de l’excellent journal "Les Echos" et aussi l’Expansion, qui ne font que ressasser le discours du MEDEF .
Pour la dette regarde un peu à cette adresse :
http://www.e-torpedo.net/article.php3?id_article=620
L’explosion de la dette n’aurait-elle rien a voir avec le traité de Maastrisch.
Les niveaux de la dette sont quasiment identiques dans les grands pays industriels . Sauf pour le Japon qui crèvent tous les plafonds . Et il faut nuancé le niveau de la dette des Etats Unis, puisqu’il n’y a pas de Sécurité Sociale, ce ne sont donc pas les collectivités qui sont endettées pour la protection sociale, mais les particuliers, le rêve de Sarkozy . que les particuliers s’endettent plus .
Patrick
5. Dette publique, halte à l’intox !!, 3 mars 2007, 09:48
1100 milliards à trouver par voie d’économies ?
Commençons par les 3 premiers qui me viennent spontanément à l’esprit : fermer cette inadmissible chaîne parlementaire qui nous a été inventée et qui ne sert à rien, fermer nos ambassades dans les 25 pays d’Europe où elles n’ont plus de raisons d’être, diviser pas deux l’allocation pour le financement public des partis politiques, etc......
6. Dette publique, halte à l’intox !!, 3 mars 2007, 10:08
Je suis d’accord avec toi Jips ,sauf qu’apparemment, et aux dire des sondages, ce sont les plus de soixante qui votent à majorité Sarkozy...
Marjo
7. Dette publique, halte à l’intox !!, 3 mars 2007, 12:12
Question importantissime !!!! C’est la dessus que l’élection va se faire en grande partie !
La dette a explosé dans les années 90 pour cause de libéralisation financière , il s’agissait de préparer la monnaie unique à l’horizon 2000. De 91 à 97 le taux d’endettement est passé de 34% à 59% du PIB. Les gouvernements ont eu recours massivement à l’endettement devant les facilités qui leur étaient offertes. Les institutions se sont précipitées sur l’aubaine ainsi que les particuliers aisés tout comme les intervenants étrangers car l’Etat paie toujours ses dettes .
La dette d’aujourd’hui fait la fortune des fils à papa de demain !!
Il est fort que les libéraux crient au scandale de la dette alors que c’est leur politique du franc fort collé au mark préparant l’euro fort d’aujourd’hui qui a provoqué et continue d’alimenter la dette.
Que faire ? Réformer la BCE, lui imposer des critères nouveaux, baisser les taux d’intérêt pour tirer vers le bas le taux d’endettement, investir utilement les finances publiques pour faire reculer la part de la dette dans le budget de l’Etat.
Les youpies libéraux sont de gros malins : baisser le coût de l’investissement public utile aura pour conséquence immédiate de faire croitre la part de la dette dans le budget de l’Etat ; il sera alors temps de réclâmer de nouvelles coupes sombres dans les finances publiques qui à leur tour entraineront une part plus importante de la dette dans le budget de l’Etat........c’est un cercle sans fin !!
Moins on investit utilement plus la part des dettes contractées a tendance à augmenter soit mécaniquement soit structurellement à plus long terme : en n’équipant pas la Nation je repousse à plus tard les investissements nécessaires qu’il faudra faire en recourant à l’emprunt si je ne veux pas augmenter les impôts sur le revenu des plus aisés.
Jean-Philippe VEYTIZOUX
8. Dette publique, halte à l’intox !!, 4 mars 2007, 17:59
Ben, ils sont où les youpies ultralibéraux..................à Deauville, en Sologne....bon on va attendre demain ou ce soir très tard après la fin des bouchons qui les ramènent à Neuilly.
Jean Philippe VEYTIZOUX
9. Dette publique, halte à l’intox !!, 5 mars 2007, 15:53
La pédagogie de l’article (votre lien) est très bonne. L’auteur explique les différents facteurs qui contribuent à une hausse de la dette. Je ne comprends pas pourquoi la conclusion part en vrille par rapport à l’analyse.
Il écrit que la dette a été contractée pour des dépenses de fonctionnement (et non d’investissement), qu’elle a été contractée auprès d’étrangers à 50%, etc... mais elle n’est pas un fardeau pour nos enfants !
Mais elle est quoi alors ?? Un cadeau ? Une générosité ?
En plus, vous êtes sensés être des gens de gauche, favorables à plus de redistribution, n’est-ce pas ? Et ça ne vous choque pas que la dette soit creusée pour tout le monde, et que les "créances" correspondantes restent aux mains des familles les plus riches, qui devraient pourtant financer la protection sociale des pauvres ces 30 dernières années ?
Je ne vous comprends pas.
DSK disait pourtant : "la dette est l’ennemie de la gauche"
10. Dette publique, halte à l’intox !!, 5 mars 2007, 15:56
Savez-vous combien nous coûterait notre endettement si les fils à papa que vous considérez comme des profiteurs n’avaient pas prété à l’Etat ?
Plus cher !
En prétant, ils réduisent le coût de l’endettement et libèrent par conséquent de l’argent public pour plus de services publics.