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Antipub : victoire de Paysages de France

Publie le vendredi 22 octobre 2004 par Open-Publishing
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Dinan marque un tournant dans la lutte antipub

L’afficheur Clear Channel condamné en appel à y démonter 23 panneaux.

Par Guillaume ROLLIN (Liberation)

Un géant de l’affichage publicitaire condamné pour violation du code de l’environnement : une première qui pourrait faire tache d’huile. La justice a confirmé en appel, hier, la décision du tribunal de grande instance de Dinan (Côtes-d’Armor), qui, en novembre, avait contraint la société américaine Clear Channel à démonter 23 panneaux publicitaires installés illégalement dans la commune.

Traque. A l’origine de la procédure, Paysages de France, petite association hostile à « toutes les formes de pollution visuelle », et en particulier aux immenses panneaux publicitaires placardés dans les villes. Depuis des années, elle traque sans relâche les affiches installées sans autorisation dans des zones parfois interdites à la pub. « C’est monnaie courante, partout en France, même dans des sites classés, comme c’est le cas à Dinan, s’indigne Benoît Busson, conseiller juridique de l’association. La réglementation est très précise, très pointilleuse. Mais personne ne fait respecter la loi parce que ça arrange tout le monde. » Notamment les municipalités, dont l’association dénonce souvent la complaisance.

En faisant pression sur les mairies ou les préfectures, Paysage de France a obtenu quelques démontages au cours des derniers mois. En octobre 2003, l’afficheur Défi France, filiale de Clear Channel, a dû retirer une pub géante installée à Boulogne-Billancourt. En décembre, c’est à Montrouge, toujours dans les Hauts-de-Seine, que la même société a été contrainte de démonter une bâche publicitaire installée sans autorisation.

Avec l’affaire de Dinan, la tension est montée d’un cran. « Pour la première fois, on s’en est pris directement à l’afficheur, explique Benoît Busson. Jusqu’ici, on se limitait à interpeller les autorités afin qu’elles les mettent en demeure. Mais ces procédures peuvent prendre jusqu’à deux ans, et restent parfois vaines. »

En s’attaquant à Clear Channel, l’association a donc cherché à jeter un pavé dans la mare. Multinationale d’origine américaine, cotée en Bourse, Clear Channel se classe au second rang des afficheurs en France, derrière Decaux mais devant Giraudy (1). « Vu leur force de frappe financière, c’était le pot de terre contre le pot de fer, reconnaît Pierre-Jean Delahousse, président de Paysages de France. Mais on a voulu tenter l’expérience. Et tout nous incite maintenant à réorienter et à muscler notre stratégie dans cette voie. » Benoît Busson ajoute : « Tant qu’on s’attaquait à l’administration, on faisait bien marrer les afficheurs. Maintenant, ils savent qu’ils peuvent eux aussi être condamnés. Ils ne craindront peut-être pas les amendes, mais ils réfléchiront sans doute au problème d’image que ces condamnations feront peser sur eux, en particulier vis-à-vis de leurs clients et de leurs actionnaires. »

« Les demandes pleuvent. » Le « jeu de massacre » annoncé par Benoît Busson se heurtera à une difficulté : le coût élevé des procédures et le manque d’organisation de ces petites associations face à leurs puissants opposants et à leur batterie d’avocats. D’autant que toutes ne possèdent pas l’agrément d’Etat indispensable pour se porter partie civile contre les afficheurs.

Ainsi l’association Résistance à l’agression publicitaire (RAP), jusqu’ici connue pour ses opérations coup de poing, espère obtenir le sien en 2005. « Cela apportera une meilleure complémentarité avec les gens de Paysages de France, notamment à Paris où ils manquent de troupes, explique Yvan Gradis, fondateur de RAP et pionnier en France de la lutte antipublicitaire. Les demandes pleuvent, de riverains gênés par l’implantation d’une pub ou de lycéens choqués par son intrusion près des établissements scolaires. Sans agrément, on ne peut que les conseiller. Mais, dans quelques mois, rien ne nous empêchera d’engager des procédures. »

(1) La société Clear Channel n’avait pas pris connaissance de l’arrêt de la cour d’appel, hier, et n’a donc pas souhaité s’exprimer.

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