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"Il est désormais interdit de boycotter"

Publie le dimanche 21 novembre 2010 par Open-Publishing
10 commentaires

de BENOIST HUREL Secrétaire général adjoint du Syndicat de la magistrature

On a les victoires qu’on peut : Michèle Alliot-Marie a, il y a quelques mois, par une simple circulaire, commis un attentat juridique d’une rare violence contre l’un des moyens les plus anciens et les plus efficaces de la contestation des Etats par les sociétés civiles, à savoir le boycott. Le 12 février, la Chancellerie a eu cette idée extraordinaire selon laquelle tout appel au boycott des produits d’un pays n’était qu’une « provocation publique à la discrimination envers une nation », punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le ministère demande aux procureurs de la République d’assurer une répression « ferme et cohérente » de ces agissements.

Soyons justes : la paternité de cette brillante initiative revient au procureur général de Paris qui avait, dans son rapport de politique pénale 2009, suggéré que « les faits de boycott ou de provocation au boycott peuvent s’analyser, selon les espèces, soit en une provocation à la discrimination, soit en une discrimination ayant pour effet d’entraver l’exercice d’une activité économique ». On peut rappeler les actions de ce type dans l’histoire : boycott du Royaume-Uni en 1930 initié par Gandhi contre la colonisation, boycott de l’Afrique du Sud dans les années 70 par les militants antiapartheid, boycott, à la même époque, par la communauté homosexuelle américaine d’une marque de bière qui refusait d’embaucher les gays ou, plus récemment, boycott des produits chinois par les soutiens de la cause tibétaine et des produits israéliens par les militants palestiniens… Pour l’ex-garde des Sceaux, il ne s’agit pas là d’entreprises de protestation et d’émancipation, souhaitables en démocratie, mais d’associations de malfaiteurs en vue d’attenter à la bonne marche du commerce, donc du monde.

La notion de discrimination ne peut s’entendre que d’une différence de traitement n’obéissant à aucun but légitime. Une action collective qui viserait à ne pas consommer de produits d’une entreprise parce qu’elle licencie ou délocalise sa production, ou d’un Etat parce qu’il maltraite ses minorités ne peut être qualifiée de discriminatoire, sauf à ôter aux consommateurs leur seul pouvoir, celui de ne pas de consommer n’importe quoi et n’importe comment. Que l’on se rassure : les Etats qui décideraient d’imposer un embargo à un pays étranger n’encourront pas les foudres de la loi pénale…

L’instrumentalisation d’un texte qui visait à combattre le racisme, le nationalisme et le sexisme est inadmissible, surtout lorsqu’elle vise à faire taire l’engagement citoyen. La circulaire en question, qui a su convaincre au moins un tribunal, constitue donc, pour la société civile, une régression d’une ampleur peu commune. Cette provocation s’est pour l’instant heurtée à un mur de silence. La pénalisation de la contestation est toujours une mauvaise nouvelle pour la démocratie. L’absence de contestation de la pénalisation, lorsque celle-ci ne répond à aucun autre objectif que celui de museler les peuples, n’en est pas une meilleure.

Source : http://www.liberation.fr/politiques/01012303092-il-est-desormais-interdit-de-boycotter

Messages

  • ok je ne boycotterai plus mais je ne consommerai pas non plus !!!

  • boycotter c’est refuser de consommer ou de participer...donc toujours et encore l’une des rares libertés qu’il nous reste...

  • je vais me gêner de boycotter, par hasard, tiens !!!..............

  • Normal.
    Le marché avant tout.
    L’économie avant tout.
    L’argent avant tout.
    Das Geld über alles !

    Vive le fascisme économique !

  • Interdire le boycott, bon d’accord allons y ; par contre j’ai le droit de ne pas acheter, et de ne pas consommer ; d’autant plus que si l’origine d’un produit est indiqué, je vais lire les étiquettes ...

  • Il est écrit : « les faits de boycott ou de provocation au boycott peuvent s’analyser, selon les espèces, soit en une provocation à la discrimination, soit en une discrimination ayant pour effet d’entraver l’exercice d’une activité économique ».

    sergio : le conditionnel est de rigueur. Par l’intermédiaire d’une collaboratrice zélée de la doctrine ultra-libérale, la France a fait voter un texte par UN tribunal, au nom d’une atteinte à la libre circulation des marchandises et donc du commerce. Ce texte fera-t-il jurisprudence ? Toute La question est de savoir si le commerce et la libre circulation de marchandises valent plus que des vies humaines ? Généralement les consignes de boycott vont à l’encontre de pays qui commettent des actes criminelles, crimes contre l’humanité, bombardement et massacre de civils, utilisation d’armes prohibées, etc.

  • je vais boycotter et militer pour le boycott....
    ma liberté, c’est de ne pas céder devant le dictat d’un état voyou, raciste.
    tous, ensemble, nous vaincrons !!

  • Une simple circulaire ; MAM est sur-diplômée en droit (elle est entre-autre docteur en droit depuis 1973) ; elle sait parfaitement qu’une circulaire n’a aucune valeur légale en Droit(*) et encore moins au Pénal que partout ailleurs. Elle a fait cela « SANS AUCUNE BILLE » pour que les Procureurs plus soucieux de leur promotion que du Droit s’acharnent sur les pacifistes de BDS et autres. Jusqu’ici cela a valu à nos camarades pas mal d’ennuis.

    Si le ministère été débouté dans une affaire : Alima Boumediene-Thiery, sénatrice (les Verts), une autre semble avoir eu la conclusion inverse.

    Il est regrettable que Benoit HUREL ne dise pas la nullité juridique de cette circulaire ; peut-être est-ce évident pour lui ? Peut-être ne veut-il pas appeler publiquement à cela, mais fait en sorte que cela soit compris de ses lecteurs : des professionnels très avertis qui ne peuvent l’ignorer ?

    (*) Une circulaire ne peut uniquement qu’expliquer en détails les textes, en aucun cas elle ne peut ni rajouter ni supprimer un élément de doit ; ni en contrainte ni en autorisation... elle est automatiquement déclarée illégale si elle est déférée aux Juges ... Tous : Juge Judiciaire qu’il soit Pénal ou Civil ou Juge administratif.
    Cette circulaire devrait être attaquée devant les tribunaux par tous les camarades poursuivis !

    Son annulation, pourraient peut-être calmer un peu ces procureur devenus zélés sous-préfets ! Ou du moins casser publiquement des bases juridiques des poursuites (soi-disant juridiques serait plus exacte), prouver que le Droit est le grand absent du dossier, que seul le sionisme prime !