Les associations environnementales, nouvelles bêtes noires des politiques

6 avril, par Denis Villard

Partant du militantisme bon enfant, un peu hippie des années 70, l’action des associations environnementales s’est progressivement structurée, « professionnalisée » et durcie face à l’inertie du politique en matière environnementale. Mis face à ses responsabilités, ses lacunes et bien souvent ses lâchetés, le pouvoir politique n’a pas trainé pour stigmatiser ce nouvel ennemi aux yeux de l’opinion publique : des « Khmers Verts » à « l’écoterrorisme », les vocables extrêmes ne manquent pas désormais à la mauvaise conscience politique pour accabler l’activisme environnemental pourtant essentiel pour faire avancer la cause du climat.

C’était déjà le cas sur CNews en novembre 2022, Gérald Darmanin n’hésitait pas à parler « d’écoterrrorisme » pour qualifier le premier round des heurts de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres. Rebelote en mars 2023 pour le second round, après lequel le même ministre fustige le « terrorisme intellectuel de l’extrême-gauche ». Toujours le même procédé : amalgame, généralisation et stigmatisation dans un seul but, délégitimer une cause ou un combat en le réduisant à l’action de ses défenseurs les plus radicaux, quand bien même ceux-ci ne seraient qu’une infime minorité. Lors des derniers événements de Sainte Soline, fin mars 2022, il y avait clairement des bandes venues pour en découdre avec les forces de l’ordre. Mais, d’un point de vue politique comme médiatique, il est aberrant et injuste qu’il ne soit fait aucun distinguo entre des black-blocks et des militants environnementaux pacifiques, posant de vraies questions pour notre avenir à tous.

Mais Sainte-Soline n’est pas un cas isolé. « Il y a deux cas de figure dans la répression, analyse Alexis Vrignon historien spécialiste des luttes environnementales. D’un côté, celle concernant les mouvements de type Sainte-Soline contre les mégabassines : la défense d’un ordre productiviste hérité d’une connivence entre le pouvoir et une certaine vision de l’agriculture. De l’autre, comme avec les actions de Dernière Rénovation, la volonté d’empêcher l’émergence d’un mouvement autonome pour porter la contestation dans l’espace public. » Dans les deux cas, « c’est une société qui condamne ceux qui essaient de la sauver », résume Nicolas, attaché de presse de Dernière Rénovation. Et qui condamne au sens propre : des méga-bassines Bure, en passant par les chantiers du Grand Paris, les condamnations judiciaires d’activistes se multiplient. Une autre façon de dissuader l’engagement.

Appuyé par la justice, ce comportement outrancier des politiques, devenu reflexe de communication systématique, se retrouvent en plus à tous les niveaux, y compris chez ceux qui, probablement pour des raison électorales, se revendiquent ailleurs défenseur de l’environnement. Il y a quelques mois, Jean-Marc Peillex, maire de Saint Gervais les Bains, petite commune au pied du Mont-Blanc, faisait ainsi la une de plusieurs médias locaux en s’insurgeant de façon virulente contre les incivilités et les pollutions générées par les alpinistes partant à la conquête du Mont-Blanc, allant même jusqu’à déposer plainte. Pourtant c’est le même Jean-Marc Peillex qui sortait à peine d’un procès pour diffamation contre l’association Nature Environnement, association accusée en plein conseil municipal d’être instrumentalisée à des fins personnels par ses dirigeants sur des contestation de PLU.

L’affaire portée par la FNE78 n’est pas pourtant pas anodine : en plein zone naturelle, le maire de Saint-Gervais les Bains accorde des permis de construire avec une facilité déconcertante pour construire des hôtels. Une affaire d’autant plus curieuse que l’intéressé et destinataire des dits permis n’est pas un inconnu dans la commune : Vincent Gombault, propriétaires d’hôtels de luxe (dont ceux de Saint Gervais les Bains…) et gérant des sociétés d’investissement Clipway, idéalement réparties entre la City, le Luxembourg et la Belgique, destinations courues des financiers de la planète faisant de l’optimisation fiscale (comme on dit…). Comme le hasard fait bien les choses, le maire de Saint Gervais a reçu une belle donation de Vincent Gombault peu de temps avant l’attribution des permis. Curieux tout de même et heureux concours de circonstances. Point d’enrichissement personnel ici, mais de « l’huile dans les rouages » de la restauration des monuments de la ville. L’environnement, quand il est question de gros sous et de luxe, devient très vite secondaire, et une fois de plus Jean-Marc Peillex s’en est pris de façon virulente à ceux qui viennent simplement poser des questions sur la légalité de la manœuvre. D’ailleurs, saisie de l’affaire, le parquet de Chambéry se pose désormais les mêmes questions. Mais l’impartialité de la justice sur ces questions reste sujette à caution avec d’un côté le pouvoir de l’argent face à des militants doté uniquement de leur énergie.

De haut en bas de l’échelle politique, du national au micro-local, les militants environnementaux gênent les intérêts locaux, les lobbys agricoles ou immobiliers. Derrière l’image du bobo ou du néorural contestataire, des hommes et des femmes désormais menacés ou agressés pour leur engagement. Et les choses dont de plus en plus explicites : « J’espère que tu vas te prendre un coup de fusil dans la tête ! ». C’est ce que Valérie Paumier, engagée dans le collectif « Sauvons le plateau de Beauregard de la destruction », qui s’oppose à un projet de retenue collinaire porté par la municipalité, s’est entendue dire en plein repas au restaurant il y a quelques semaines. Idem dans l’Ouest de la France, où le domicile du vice-président de l’antenne locale de France Nature Environnement a été saccagée par des agriculteurs revenant d’une manifestation à La Rochelle. On attend toujours une réaction des autorités politiques locales et nationales sur ces atteintes flagrantes à l’état de droit.

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