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Automobile : le gravage des vitres ou la vache à lait d’un système en perdition
L’achat d’un véhicule est un moment important dans la vie d’un conducteur d’autant que de multiples écueils sont à éviter. L’un d’eux passe souvent inaperçu. Il s’agit du gravage des vitres et du contrat d’assurance qui en découle. Deux options généralement incluses dans le « pack livraison » d’un véhicule neuf. Pour autant, peu d’automobilistes connaissent cette pratique non obligatoire et font part de leur mécontentement vis-à-vis de ces coûts supplémentaires et du manque d’information initial de la part des professionnels de l’automobile et de l’assurance.
Le gravage des vitres des véhicules est une activité méconnue, et qui pourtant génère un chiffre d’affaires annuel de 320 millions d’euros et de très juteux profits pour les concessionnaires. Un marché qui concerne quelque 800.000 véhicules chaque année, notamment les voitures neuves, puisque le gravage des vitres est généralement intégré d’office par le concessionnaire dans le « pack livraison », avec en plus un service d’abonnement annuel censé compléter l’assurance automobile. La plupart du temps, les acheteurs ignorent ce service dont le coût peut atteindre 300 € lorsqu’il est associé à la vente du véhicule neuf (alors qu’il est possible de réaliser le gravage par ailleurs pour une cinquantaine d’euros).
Pas d’obligation de gravage des vitres à l’achat du véhicule
Le gravage des vitres lors de la vente d’un véhicule neuf est d’ailleurs l’un des points ciblés par une enquête menée durant deux ans par la DGCCRF auprès de 2.200 vendeurs automobiles. Cette investigation révèle que deux tiers des établissements contrôlés présentaient des anomalies portant sur la loyauté des pratiques commerciales dans le secteur, ou sur la bonne information du consommateur. Et c’est justement ce défaut d’information qui est en cause dans le gravage des vitres. D’autant que l’automobiliste n’en prend vraiment conscience que lorsqu’il reçoit le courrier de l’assurance pour payer la cotisation d’un abonnement dont il peine à saisir l’utilité.
De leur côté, les concessionnaires et les compagnies d’assurance présentent ce système de gravage comme un moyen de lutter contre le vol des automobiles, grâce à la traçabilité d’un numéro d’identification unique. Ce qui peut laisser penser que ce système est une garantie obligatoire alors que, en réalité, aucune loi ni aucun règlement n’oblige le consommateur à faire graver les vitres de son véhicule. Par ailleurs, si le numéro unique permet de répertorier, il ne permet pas la localisation d’un véhicule dérobé. Enfin, nombre d’assureur n’impose pas cette clause. Mais si une assurance exige effectivement le gravage et que l’assuré ne fait pas le nécessaire alors il prend le risque de ne pas être indemnisé si son véhicule est volé.
« Comme ce produit est généralement vendu par un non-professionnel de l’assurance à l’occasion d’un autre acte de commercialisation, le client n’est pas incité à regarder l’étendue des garanties, et le vendeur ne le conseille pas suffisamment », explique Grégoire Vuarlot, directeur du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) ; Or, « si l’on crée un produit et qu’on le commercialise, cela doit correspondre à un vrai service pour le client ».
Un début de prise de conscience des professionnels de la filière automobile
Au sujet des manquements des concessionnaires relevés dans son enquête, la DGCCRF souligne que « dans de nombreux cas toutefois, il s’agissait davantage de négligence que d’une volonté de s’affranchir des obligations réglementaires ».
Une partie des professionnels du secteur automobile semble d’ailleurs prendre conscience du problème et s’engage pour une meilleure information des clients sur le gravage des vitres et les services associés. Et les assurances se montrent désormais davantage explicites sur le sujet, à l’instar du groupe Allianz, rappelant sur son site que ce « n’est pas une obligation légale. »
Inefficacité du gravage des vitres contre le vol de véhicules ?
Le gravage ne protège en rien du vol. Une réalité qui s’exprime en chiffres. Le nombre de véhicules dérobés ne cesse d’augmenter au cours des trois dernières années, avec une hausse spectaculaire de 11,1 % du nombre de vols l’an dernier, et plus de 70.000 vols recensés par le ministère de l’Intérieur. Surtout, le taux d’automobiles récupérées reste faible avec seulement 45,1 % des voitures volées finalement retrouvées en 2022. À titre d’exemple : aux États-Unis, où le gravage des vitres est une pratique bien moins répandue, le taux de véhicules retrouvés en 2022 atteint 46,2 %, donc légèrement plus qu’en France. Une comparaison qui souligne l’inefficacité du gravage comme système de protection contre le vol.
Des éléments de réflexion que le consommateur doit prendre en compte au moment de l’achat de son véhicule, en refusant cette option finalement superflue. Mais que faire lorsque le gravage a été fait ? L’automobiliste peut résilier ce type de contrat lors de chaque échéance annuelle en respectant un préavis de deux mois (Art. L 113-12 du Code des assurances). Depuis le 1er janvier 2015, il est également possible d’y mettre fin à tout moment par courrier recommandé à compter de son premier renouvellement (Art. L 113-15 et art R 113-11 3).
Le gravage est donc loin d’être la panacée et le manque d’information autour de ce dispositif risque de lui être fatal à terme. La confiance des consommateurs ne peut souffrir d’une transparence imparfaite.
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