Focus sur le film documentaire « Feddayin, le combat de Georges Abdallah » Produit par Vacarme Production et sorti en 2020

7 octobre 2022 naima lbache 1 com

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Focus sur le film documentaire
« Feddayin, le combat de Georges Abdallah »
Produit par Vacarme Production et sorti en 2020

Le film est largement diffusé depuis plusieurs mois dans les milieux militants sensibilisé à la question palestinienne et à la libération de Georges Abdallah.
L’impact médiatique est non négligeable car il aborde le combat de Georges à travers ses engagements auprès de la résistance palestinienne au Liban, de son parcours en Europe et de son emprisonnement depuis 1984. Outre le fait que c’est la première fois que cette histoire est racontée, la réalisation est professionnelle et dynamique.
Les nombreux témoignages inclus dans ce film permettent d’illustrer les raisons de l’engagements de Georges. Des multiples points sont abordés : politiques, juridiques et historiques. L’objectif étant de décliner une personnalité dont l’Ideal révolutionnaire est équivalent à une totale abnégation dans les buts à atteindre.
Cependant des biais apparaissent au fil de ce récit d’environ 1h20.

Dès le début du film, les auteurs s’attardent longuement sur le conflit largement documenté entre les Palestiniens et les Sionistes en Palestine à partir de 1948. Le contexte particulier au Liban où les forces progressistes avec un Parti Communiste puissant affrontent une bourgeoisie libanaise avec par exemple l’intervention oubliée des troupes étasuniennes en 1958 pour soutenir le gouvernement bourgeois est passé sous silence alors que c’est dans ce contexte que Georges vit et va sans doute s’engager dans la militance de la résistance antiimpérialiste.

La montée en puissance des forces révolutionnaires au Moyen Orient est favorisée également par l’arrivée au pouvoir de Gamal Abdel Nasser en Egypte et son combat contre les puissances occidentales lors de la crise du canal de Suez en 1956. Les guerres de 1967 et de 1973 intensifient la lutte entre les pays arabes et l’alliance sioniste et occidentale. La venue en masse des militants palestiniens après le Septembre Noir Jordanien de 1970 est un évènement essentiel pour le Liban car elle va permettre de sceller une coalition historique entre les combattants palestiniens et les forces progressistes libanaises face une extrême droite phalangiste. C’est un fait important pour comprendre le déclenchement de la

guerre civile. Les multiples combats à partir de 1975 et les interventions sionistes de 1978 et 1982 permettent d’éclairer aussi le parcours de Georges qui, avec ces camarades, décident de frapper à l’extérieur du territoire en créant les Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL). Soulignons qu’avant tout c’est une stratégie d’une fraction du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) et de son dirigeant le camarade Wadie Haddad d’attaquer des objectifs civils et militaires et donc médiatiques à travers le monde.

Nous relevons également qu’il aurait été préférable de recontextualiser la lutte des révolutionnaires libanais et de leurs liens avec l’insurrection révolutionnaire dans plusieurs pays du continent européen. Notons pour preuve que des militants allemands et japonais et d’autres sont venus par exemple s’entrainer dans les camps palestiniens au Liban dans les années 70 et 80. L’internationalisme était bien réel à cette époque. Ces épisodes essentiels sont évoqués au milieu du fim par deux protagonistes engagés dans la lutte armée. Cela aurait mérité plus de développement car ces engagements sont caractéristiques du mouvement révolutionnaire en Europe.

De même rappeler l’odieux amalgame entre la série d’attentats du Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques Arabes (CSPPA) et la famille de Georges. Souvenons-nous de la campagne d’affichage de Pasqua dans les rues de l’état français où deux des frères de Georges Abdallah étaient activement recherchés pour être en lien avec les « poseurs de bombes de la rue de Rennes » selon les médias dominants. Les frères de Georges décrivent bien l’ambiance ignoble sur leurs supposées implications dans ces attentats. Mais là aussi, ces interventions sont faites au milieu du film.

Rappeler ces faits sont primordiaux pour dénoncer le comportement du gouvernement français dans sa volonté de designer des faux coupables alors que les soupçons se portent rapidement sur l’Iran. Si son avocat Jean Louis Chalanset est longuement interrogé sur le parcours judiciaire du détenu Georges, cette présentation claire de ces faits se fait également au milieu du films. D’ailleurs son premier avocat Jacques Verges, curieusement absent du film, avait fait une magnifique plaidoirie « Georges Abdallah contre Georges Bush » en 2007.

Tout cela donne une désagrément impression d’étouffements entre le début et la fin du documentaire monopolisées par les interventions des trois militants de Samidoun.

La mobilisation et la campagne internationale sont aussi abordées avec des témoignages. Le malaise se situant sur un choix subjectif qui laisse apparaitre certaines personnes comme prédominants dans la campagne alors que ce n’est pas le cas. Ce sont notamment les longues interventions des deux militants anglophones et ce sentiment finalement que ces personnes connaissent tout de la mobilisation et de l’histoire de Georges alors que d’autres entretiens auraient été plus pertinents. Remarquons également cette proportion erronée à prétendre que Georges « défend le Liban » comme les Palestiniens défendent la Palestine. Le camarade n’a jamais défendu le Liban mais plutôt défendu et lutter pour la

libération des peuples arabes. Le Liban est une entité coloniale qui a participé à la fragmentation du monde arabe et a permis plus tard l’installation de la tête de pont occidentale sioniste. Georges se présente comme un combattant arabe à son procès et si on l’interroge sur une possible nouvelle invasion du Liban, il peut dire qu’il défendra ce territoire comme tout arabe qui lutte contre les agressions sionistes.
Rappelons enfin que cette mobilisation a été initié à Bruxelles dès 2000 par l’Union des Jeunes Progressistes Arabes (UJPA) et du Secours Rouge/APAPC (Association des Parents et Amis des Prisonniers Communistes) puis c’est développé à partir de 2003 dans l’état français à Paris, dans le nord et dans le sud est autour de Toulouse. Les camarades mobilisés à Paris venant du Secours Rouge France et du soutien pour la libération des militants d’Action Directe (comme la rappelle la camarade dans le film). Les initiatives se sont ainsi multipliées avec l’appui notable des étudiants de l’Association Générale des Etudiants de Nanterre (AGEN).

L’objectif étant de faire connaitre politiquement le cas de Georges et permettre par conséquence de créer une démarcation nette avec les prétendus liens avec le CSPPA.

Concrètement, des meetings se déroulent à Paris, à Nanterre, etc. Des actions comme l’occupation du consulat du Liban à Paris, un séjour au Liban en 2006, des rassemblements contre une conférence sur la reconstruction du Liban, devant le siège de l’ambassade des Etats-Unis, devant le siège du Parti Socialiste ou devant le Ministère de l’Intérieur. Une série d’interventions dans le nord de l’Italie en 2007 à l’initiative du Secours Rouge International (SRI). N’oublions pas que Georges est citoyen d’honneur de deux villes du nord et que la ville de Bagnolet l’a fait durant un cours laps de temps.

Notons pour être complet, que pour donner suite aux arrestations de juin 2008 de militants du Secours Rouge à Bruxelles, l’UJPA est devenu le Secours Rouge Arabe.
Au sein de la solidarité pour Georges à Paris, une césure est apparue courant 2013 entre deux tendances qui ont affaiblis le soutien entre une volonté de trouver de manière illusoire un terrain d’entendre avec les autorités judiciaires françaises (Ministre de la Justice…et autres conseillers du prince) et celle de rester uniquement dans une démarche intransigeante vis-à-vis des ennemis de classe. Il ne s’agit pas d’être maximaliste mais réaliste. Une libération ne peut se faire que par un rapport de force conséquent et rien d’autre.

Cette histoire d’une mobilisation militante ne doit pas être occulté car elle a permis en premier lieu de faire connaitre Georges et ses combats. Il ne s’agit pas de se donner plus de légitimité que d’autres mais de simplement d’être objectif.
Ce film préfère faire l’impasse sur tout cela. C’est le choix de la production, mais ce n’est nullement une histoire officielle d’un combat comme semble le supposer le documentaire.

Pour conclure, nous estimons que ce film possède cette qualité de mettre au centre la question de Georges comme sujet révolutionnaire. Aussi bien comme

combattant que comme prisonnier des geôles de l’état français. Le film vise comme ambition de raconter l’histoire de la lutte du peuple palestinien et de souligner que Georges Abdallah est avant tout un résistant de la cause palestinien.

C’est une démarche louable pour éclaircir cette période historique mais il pèche aussi par une absence d’une mise en perspective de la situation au Liban à la même période. C’est dommage car l’engagement de Georges commence très tôt et non à partir de 1970 comme semble l’affirmer le film.

Enfin, il est regrettable que la mobilisation ne soit pas totalement bien expliquée par l’omission de militants ayant participé dès le début à la lutte. Nous pensons que cela aurait permis de mieux comprendre les difficultés de se solidariser pour la cause de Georges Abdallah. Hier comme aujourd’hui.

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